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proies derrière le lampion luminescent crocheté sur ses mâchoires. Bénédicte voulait être Sophie, posséder son charme, ses seins, son grain de peau, son parfum de vanille… s’extirper de sa chaise roulante et se jeter dans les bras d’un soupirant. Un rêve inaccessible, elle le savait, qui aiguisait son appétit de vengeance. Car il n’y avait pas de raison qu’elle soit la seule à se morfondre. Elle voulait que le monde participe à son malheur.
En ouvrant plus grand son esprit, Hubert devina pourtant un embryon de bonté lové dans le corps atrophié. N’était-il pas connu que les grands feux de forêt naissaient à partir d’une seule étincelle ? Bénédicte n’était peut-être pas si abominable qu’elle voulait le montrer. Cette gamine possédait une grande intelligence et c’était peut-être bien ce don du ciel qui la torturait autant. Si la bêtise générait la méchanceté gratuite, l’intelligence engendrait une méchanceté froide, calculée. Et du mal, Hubert en avait rencontré au cours de ses innombrables voyages. Il avait côtoyé le bien aussi mais il se faisait beaucoup plus rare, comme un cristal de quartz perdu dans un tas de gravats.
De l’autre côté du couloir, Marcel et Elise vagabondaient dans les limbes de leurs souvenirs. Elise se revoyait en vacances avec ses proches. Les images se bousculaient dans sa tête…son fils, le père de Bénédicte ; elle, la grand-mère toujours prête à faire plaisir à tout le monde. Sa belle-fille irradiante de beauté s’initiait aux techniques difficiles de la pêche à la truite. Marcel n’arrêtait pas de lancer et de tirer sur sa canne à pêche. Un éclat de rire fusa dans l’air cristallin. Des vacances de rêves où la famille s’était retrouvée dans un chalet de bois planté sur les

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