Phenomenum - Opus 0,1 & 2
Orphelin, Yann a grandi comme il a pu. A la sortie de l’adolescence, en rebellion contre la société, il glisse doucement vers la déliquance en traînant avec des "amis" peu recommandables, jusqu’au jour où il se rend compte qu’il possède un don unique, un pouvoir très puissant qui lui permet de stopper l’écoulement du temps. Il commence alors à user et abuser de ce pouvoir pour faire tout et n’importe quoi... ce qui ne le rend pas plus heureux. Mais lorsqu’il rencontre Emma, il décide de se ranger et de revenir vers une vie normale. Trop tard, malheureusement : il a été repéré par le gouvernement, qui s’est rendu compte de la menace qu’il représente. Pour sauver Emma, Yann décide d’utiliser son pouvoir pour laisser le temps s’écouler autour de lui et "hiberner" quelques années, le temps de se faire oublier. 20 ans plus tard, il découvre ce que la société est devenue encore plus impitoyable que dans sa jeunesse. Il décide de partir à la recherche de ses origines, va finir par se rendre compte qu’il n’est pas le seul à posséder ce don et découvrir un incroyable complot à l’échelle mondiale...
Il est rare, très rare de trouver un scénario aussi surprenant, élaboré et passionnant dans une BD. Et pourtant la BD ne manque pas de scénaristes de talent. Mais là, on est pas très loin du chef d’oeuvre...
Pas vraiment sympathique mais émouvant, parfois impitoyable mais idéaliste, à la fois impulsif et réfléchi, rêvant d’une vie normale qu’il ne pourra jamais mener, Yann est un héros passionnant. Son don est à la fois une force et une faiblesse (accélérer son métabolisme le fait vieillir prématurément), une bénédiction mais aussi une malédiction qui l’isole des autres...
On se passionne donc très vite pour la vie et l’évolution de ce personnage complexe et hors du commun... d’autant que le scénario prend régulièrement des virages à 90° qui emmènent le lecteur dansdes directions totalement inattendues. A coups de flash-backs et de bonds dans le temps, Kaminka et Védrines nous font voyager dans différentes époques... avant de nous plonger sans prévenir dans une théorie du complot digne d’un paranoïaque au dernier degré !
C’est peut être le seul point faible de la BD. Ce n’est plus d’une théorie qu’il s’agit, mais presque d’une légende urbaine mêlant franc-maçons, illuminatis, pouvoir politique et économique. Car de toutes les variantes de la théorie du complot, celle-ci est sans doute la plus répandue ! On peut regretter que Jérémie Kaminka ne se soit guère foulé sur ce coup-là*... En revanche, il est un peu troublant de voir décrits en 2005 une guerre souterraine entre orient et occident et surtout la mise en faillite progressive des plus grandes nations de planète** !
Mais cette intrigue à la Dan Brown n’apparaît que dans le dernier volume de la trilogie et n’est donc qu’une péripétie dans la vie de Yann, qui prendra un nouveau tournant inattendu dans les dernières pages... des pages qui auraient appelé une suite éventuelle qui hélas n’a jamais vu le jour.
Pour le reste, la narration est un modèle du genre, les dessins de Védrines collent parfaitement à l’ambiance du récit, le scénario ne manque pas de fond et fait passer quelques messages bien sentis sur la société dans laquelle nous vivons... et l’ensemble donne une trilogie fascinante, intelligente, originale, émouvante et passionnante. Bref, un modèle du genre, pas très loin de la perfection !
* de même qu’il ne s’est guère foulé avec cette allusion hyper-prévisible à Adolf Hitler !
** Un phénomène peu prévisible à l’époque mais qui a bien failli se produire (et peut encore se produire) avec la crise qui a débuté en 2008.