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Le Village, on y est !

lundi 26 août 2013
par Didier GIRAUD
popularité : 2%

Le Village, c’est cet endroit un peu mystérieux dans lequel un agent secret ayant démissionné, s’est réveillé un beau matin, avec une nouvelle identité, celle du numéro 6, dans la (trop courte) série Le Prisonnier. Si on réfléchit bien, ce terrifiant Village n’est plus très éloigné du monde dans nous vivons. Et le pire, c’est que ce qu’on trouvait terrifiant dans les années 70 semble être devenu normal aujourd’hui… Démonstration avec quelques commentaires de phrases clés de la série, issues de son générique ou de certains épisodes.

« Nous voulons des renseignements »

Des renseignements, « ils » en ont. « Ils » ce sont les grandes entreprises (Banques, Assurances, grands acteurs du web tels que Facebook ou Google) et l’Etat, bien entendu. Heureusement, il y a la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) mais ne rêvons pas : l’autorité de la CNIL ne va pas au-delà de la France et il ne manque pas de pays où tout est permis pour recouper des fichiers et les vendre aux plus offrants. Nos téléphones portables sont traçables et nos moindres mouvements peuvent donc être suivis. Nos ordinateurs peuvent être facilement piratés, nos mails et nos conversations téléphoniques surveillés de manière plus ou moins active (car ça n’existe pas qu’aux Etats Unis). Tout ce que nous faisons, payons, disons ou écrivons peut être stocké dans des fichiers. Les renseignements, dans ce Village, ils les ont déjà !

« De gré ou de force, vous parlerez »

Manipulations psychologiques, lavage de cerveau, tout était bon dans la série pour faire parler le numéro 6. Aujourd’hui, tout est bon pour nous faire voter, pour nous faire acheter, pour nous faire penser ce qu’il est politiquement correct de penser. Les campagnes publicitaires en sont la partie émergée de l’Iceberg, mais tout ce qui se trouve en dessous de la ligne de flottaison s’avère bien plus insidieux et bien plus redoutable. Au point qu’aujourd’hui, on en vient à douter de tout. Les images peuvent être retouchées, comme les vidéos, le numérique permettant désormais toutes les manipulations possibles, indétectables. On nous montre ce qu’on veut bien nous montrer, sous l’angle choisi par celui qui diffuse l’information. Même des événements a priori les plus indiscutables deviennent sujets à caution. Et si les Etats Unis avaient su avant le 11 septembre qu’ils allaient être victimes d’actes terroristes et n’avaient volontairement rien fait, de la même manière et pour la même raison qu’ils savaient peut-être en 1944 que Pearl Harbour allait être attaqué et n’ont rien fait* ? Et si les attaques à l’arme chimique en Syrie avaient été provoquées par les rebelles et non par le pouvoir en place, pour faire réagir l’opinion internationale ? Mais ceux qui doutent n’ont pas intérêt à le dire trop fort, car ils risquent alors d’être violemment pris à partie, attaqués ou ridiculisés en tant qu’adeptes de la "théorie du complot" et finalement marginalisés. Les autres, eux, croient ce qu’ils voient et ce qu’on leur dit…

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« Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre »

Dans les années 70, on était encore dans les 30 glorieuses, période de plein emploi pendant laquelle les salariés du secteur privé pouvaient encore s’imaginer être employé à vie par leur entreprise. Aujourd’hui, ils ont compris depuis déjà longtemps qu’ils sont « jetables ». Ils sont aussi des contribuables toujours mis davantage à contribution, des consommateurs régulièrement arnaqués, des électeurs dupés… bref, ils sont devenus des numéros… à commencer par celui de leur compte en banque. Mais ils sont aussi les esclaves – volontaires - de leur numéro de portable…

« Je suis le numéro 2 – Qui est le numéro 1 ? »

Une des caractéristiques du Village est d’être dirigé par le numéro 2, sans qu’on sache jamais qui est le numéro 1. Il en va de même dans nos sociétés d’aujourd’hui, dans lesquelles un François Hollande ou une Angela Merkel ne sont pas les véritables décisionnaires, qui sont parfois l’Europe, parfois les marchés financiers, parfois des lobbies industriels… autant de numéros 1 invisibles, intouchables, que personne n’a jamais élu mais qui dirigent, qu’on le veuille ou non, nos sociétés et donc nos vies d’habitants du Village. C’est très pratique, car ainsi, personne n’est véritablement responsable. On a connu des révolutions contre des rois, contre des dictateurs. Mais aujourd’hui, contre qui pourrait-on se révolter ? Contre des irresponsables ?

« Qui sont les prisonniers et qui sont les gardiens ? »

Dans le Village, les gardiens sont mêlés aux prisonniers sans qu’il soit possible de les identifier. Parfois même, certains prisonniers deviennent gardien à leur insu… Il fut un temps dans notre société où les rôles de chacun étaient aisément identifiables. Les politiques pour légiférer, l’administration et la police pour faire respecter les lois et maintenir l’ordre, les juges pour juger… Mais internet et les téléphones portables sont arrivés. Aujourd’hui, les actes de n’importe qui, n’importe quand, n’importe où peuvent être filmés, enregistrés puis diffusés sur le web. Et là, l’opinion publique formée par des internautes (dont certains des plus actifs ne sont pas les plus équilibrés) est impitoyable. Il en va de même de ce merveilleux tissu associatif formé de bénévoles dont une grande partie semble prendre plaisir à restreindre la liberté des autres. Association de lutte contre ceci, Association pour l’interdiction de cela… Eux aussi, au prétexte qu’ils représentent un certain nombre d’électeurs et de consommateurs, au prétexte qu’ils parlent le langage du politiquement correct, contribuent à restreindre les libertés individuelles de leurs concitoyens. Ces prisonniers sont devenus les gardiens…

« Bonjour chez vous »

Les apparences peuvent être trompeuses... Dans le Village, chacun est souriant, chacun est poli. Jamais un mot plus haut que l’autre... sinon on finit à l’hôpital où on subit le traitement néessaire pour rectifier une personnalité jugée trop asociale, trop rebelle, trop individualiste, trop violente... trop libre ? On connaît bien ça, dans notre société, avec la langue de bois qui n’est plus désormais l’apanage des politiques et qui est désormais aussi bien utilisée dans les médias... et même par les moins doués des footballeurs ! Surtout, ne jamais aller contre l’idéologie dominante, contre le courant de pensée politiquement correct, au risque - non pas de subir un lavage de cerveau, nous n’en sommes pas encore là - de se retrouver au ban de la société, moralement lapidé et laminé par tout ce qu’elle compte de bien-pensants. Surtout, ne rien dire... et ne rien écrire (attention à Twitter !) qui puisse choquer qui que ce soit ! Le politique est là pour servir le pays, le footballeur est là pour gagner les trois points, l’artiste est là pour son public... et bonjour chez vous.

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On pourrait sans doute aller plus loin. La série était d’une richesse exceptionnelle et l’exercice consistant à en extraire certains éléments pour mettre en évidence certaines perversions du système dans lequel nous vivons serait presque trop facile et risquerait de devenir artificiel. Que dire des jeux organisés dans le Village ? Que dire des élections au poste de numéro 2 ?

On n’a sans doute jamais vu une série aussi subversive à la télévision et il faut bien reconnaître qu’aucune forme d’autorité, quelle qu’elle soit, n’aurait pu satisfaire cer individualiste forcené de numéro 6, même à l’extérieur du Village ! Mais quans même... ça vaut la peine de la revoir en se demandant si nous aussi, on ne s’est pas fait endormir à un moment donné. Et le pire, c’est que "ils" ont amélioré le système. Car le lendemain matin, lorsque nous nous sommes réveillés, on ne s’est même pas rendus compte de la différence. Le Village... et si on y était ?

Alors n’oubliez pas ce que disait le numéro 6 : "Je ne veux pas être pressé, fiché, estampillé, marqué, démarqué ou numéroté. Ma vie m’appartient !" Et ne laissez personne vous persuader du contraire !


Si jamais l’auteur de la phrase qui sert de titre à cet éditorial me lit, qu’il se fasse connaître. Je rendrai volontiers à César - ou à qui que ce soit d ’autre - la paternité de cette pensée que je n’ai fait que reprendre, en la développant à ma façon !

* C’est aujourd’hui un fait qui fait l’objet de controverses, mais pour de nombreux historiens, Roosevelt aurait laissé les japonais frapper Pearl Harbour pour convaincre l’opinion publique que les Etats Unis devaient entrer en guerre. OK, c’était pour la bonne cause, mais quand même...



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