Joyland
A 20 ans, Devin Jones vit la pire période de sa vie après avoir été largué par sa petite amie, le premier amour de sa (courte) vie. Heureusement pour lui, avant d’entrer à l’université, il passe l’été comme employé saisonnier à Joyland, un parc d’attractions dans lequel il va apprendre la rude vie de forain, en compagnie de Erin Cook et Tom Kennedy, qui vont devenir ses amis. Il va également faire la connaissance d’Annie et Mike, son fils atteint d’une grave maladie qui n’a plus que quelques mois à vivre. Ensemble, ils vont tenter de découvrir la vérité sur un meurtre commis à Joyland quelques années avant et peut être ainsi de libérer l’esprit de la jeune fille qui rôde encore, dit-on, dans l’attraction du train fantôme...
Cela semble désormais être une tendance inéluctable : en vieillissant, Stephen King devient de plus en plus nostalgique de sa jeunesse. Après avoir évoqué les années 60 (et ce n’était pas la première fois) avec son roman 22/11/63, après être revenu aux sources de sa carrière d’écrivain avec Docteur Sleep, la suite de son premier roman The Shining, voilà qu’il nous emmène dans les années 70, ce qui correspond pour lui à la période de sa vie entre 23 et 33 ans. Et ce n’est sans doute pas tout à fait un hasard si son héros est âgé d’une vingtaine d’années...
Stephen King, qui démarre le roman par un chagrin d’amour et le termine avec la mort d’un enfant, a clairement choisi le registre de l’émotion plutôt que celui de l’horreur. Certes, il est question d’un tueur en série, d’un fantôme, d’un enfant doté de capacités surnaturelles (encore le "shining" ?), mais Joyland n’est pas un roman d’horreur, loin de là. Ou alors, c’est de l’horreur de la condition humaine qu’il s’agit...
On retrouve toutefois quelques uns des thèmes de prédilection de l’auteur, qui règle une nouvelle fois ses comptes avec la religion au travers d’un personnage de prédicateur qu’on ne croise jamais dans le roman mais qui s’avère hautement antipathique... et qui ressasse sa haine viscérale (qu’on retrouve dans quasiment tous ses romans, à un moment ou à un autre) pour la mort qui frappe au hasard et de manière injuste des enfants innocents, des amis, des parents, qu’il s’agisse d’accidents, de maladies ou de meurtres commis par des fous criminels.
Cerise sur le gâteau, Stephen King nous fait découvrir les coulisses du monde des forains (Joyland n’a pas grand chose à voir avec les parcs d’attractions modernes, qui relèvent de l’industrie des loisirs) ainsi que leur vocabulaire assez particulier (qu’il appelle dans le roman la "parlure"), ce qui s’avère assez fascinant, même si certains éléments relèvent de la fiction, comme il le précise lui-même dans sa postface.
Et tout ça en à peine plus de 300 pages, ce qui est rarissime avec King (en dessous de 300 pages, pour lui, on est quasiment dans la nouvelle) ! Le seul bémol, c’est le mauvais goût de l’éditeur, qui tente de faire passer Joyland pour un roman d’horreur. "les clowns vous ont toujours fait un peu peur ? L’atmosphère des fêtes foraines vous angoisse ? Alors, un petit conseil : ne vous aventurez pas sur une grande roue un soir d’orage..." Alors qu il n’y a même pas de clown dans Joyland !
Mais ça fait bien longtemps que King n’écrit plus de l’horreur pure et ses lecteurs le savent bien, heureusement. Ils ne seront donc pas déçus par ce roman, plus proche de Stand By Me que de Ca !