Atomik Circus
... Car dans la série mal produit et mal distribué, ce premier film des frères Poiraud est sinon l’archétype, tout du moins un bel exemple des dommages que peuvent occasionner la rencontre entre le cinéma de genre et des investisseurs issus de la télévision française. On a encore du mal à comprendre comment TF1 a pu mettre des billes dans un tel film... par contre on arrive très bien à comprendre comment la chaîne a essayé de jouer les margoulins en vendant Atomik Circus pour ce qu’il n’est pas, une bonne grosse comédie française, quitte à saborder totalement un long-métrage qui ne demandait pas un tel acharnement (1).
Dans un bled paumé du sud des Etats-Unis, la bourgade dénommée Skotlett City est encore en émoi après la catastrophe survenue lors de la dernière fête de la tarte à la vache. Un terrible accident provoqué par le cascadeur James Bataille (Jason Flemyng) pulvérisa le bar de Bosco (Jean-Pierre Marielle (2)), un attentat qualifié qui permit néanmoins d’éloigner pour de bon, croyait le propriétaire du Sam Paradiso Bar, le prétendant de sa petite fille chérie Concia (Vanessa Paradis). Une année passée, l’amoureux transi trouve un moyen détourné pour réduire sa peine de 133 ans de bagne en se faisant la belle, bien décidé à retrouver l’amour de sa vie. Des retrouvailles bien compliquées car sans compter la menace personnifiée par cette caricature d’imprésario cynico-libidineux prénommé Allan Chiasse (Benoît Poelvoorde), le retour de James coïncide avec l’apparition de méduses volantes extra-terrestres, amatrices de chair humaine, venues jouer les troubles fêtes lors de la nouvelle édition de la fête de la tarte à la va(che)...
Projet de longue date sorti des têtes déviantes des frangins Poiraud, où James Bataille incarnait déjà un serial-loser en lutte contre des extra-terrestres, Atomik Circus comme souvent pour un premier film est l’aboutissement d’un précédent court-métrage au titre fleurant bon la série Z : Aliens with 2000 Assholes ... au détail prêt que le budget d’ Atomik avoisine les 14 millions d’euros.
Ofni foutraque. Voici en deux mots à quoi correspond ce premier film. Atomik ne ressemble à rien de connu dans le paysage cinématographique français. Un mélange des genres passant de la comédie (musicale, noire, grand-guignol, etc.) à la science-fiction avec une bonne rasade de gore en guise bouquet final. A cela, des têtes d’affiche, sinon à contre emploi, tout du moins dans un univers à mille lieux des attentes que pouvaient avoir le spectateur lambda (3). De quoi (r)éveiller les plus curieux ? Oui mais le film des Poiraud est aussi foutrement foutraque, un fourre-tout assumé et schizophrène où les scènes s’accumulent tel un hamburger bien trop gras à la chantilly et au gorgonzola. Si l’abus de références n’est pas en soit totalement dommageable, celles-ci peuvent rendre un long-métrage boiteux quand cet amoncellement de scènes référencés devient disparates, quitte à ressembler à une addition de sketches inégaux. Or Atomik Circus est de ceux là. Toutes les bonnes intentions du duo, ce gore bon enfant à la Peter Jackson ( Braindead ) mâtiné d’humour noir à la Sam Raimi ( Evil Dead 2 ) font difficilement oublier ce manque de cohérence... (d’autant plus qu’il faudra pour les plus endurants supporter le chant de Vanessa Paradis (4)).
Techniquement, le passé artistique des Poiraud transparaît rapidement, hormis quelques effets spéciaux discutables (dommages collatéraux dû aux problèmes de production ?), l’image va à l’encontre du fatras évoqué précédemment... pas étonnant que les frangins aient été récupérés par la pub. Filmé en grande partie au Portugal, Skotlett City, paradis perdu imaginaire pour rednecks démontre également le savoir-faire du duo nantais. Ajoutez à cela quelques numéros d’acteur certes prévisibles (Poelvoorde et Marielle) mais toujours aussi efficaces et d’autres seconds rôles bien décalés (Bouli Lanners par exemple), Atomik Circus a tout du joyeux bordel branque.
Un ofni dans la production française des années 2000, et c’est déjà pas mal finalement.
(1) Vendu comme une comédie poids-lourds déjantée avec ses têtes d’affiche (cf. l’affiche originel), toute la promotion (bande-annonce et autres trailers) a occulté volontairement l’aspect fantastico-gore... choquant une partie du public venu voir une comédie à la française... bref un bouillon en perspective, le film ne pouvant définitivement pas trouvé son public potentiel à sa sortie...
(2) Rôle dévolu originellement à Jean Yanne, ce dernier ne tournant qu’une scène avant de mourir.
(3) Encore que pour le grand Jean-Pierre Marielle, après Calmos de Bertrand Blier par exemple, on peut s’attendre à tout.
(4) Cette dernière étant accompagnée par le groupe nantais The Little Rabbits, vieille connaissance des frangins.
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