Lost Destination (Verbo)
Sara est une jeune un peu paumée, désespérée, qui vit dans une cité de la banlieue de Madrid. Elle s’ennuie à l’école où elle accumule les échecs sans faire aucun effort pour améliorer ses résultats, est secrètement amoureuse d’un jeune garçon tout aussi timide qu’elle et n’entretient quasiment plus de rapports avec ses parents, avec lesquels elle se contente de cohabiter. Son seul intérêt : tenter de reconstituer un puzzle, de résoudre une énigme posée par un certain Liriko, qui laisse des tags un peu partout dans la cité, des tags qui la fascinent et qui semblent s’adresser à elle. Une excursion au centre de Madrid va lui apporter la pièce manquante et Sara va enfin pouvoir rencontrer Liriko. Mais de cette rencontre va dépendre son destin...
C’est de plus en plus rare mais cela arrive encore : un film qui ne ressemble à aucun autre, qui surprend, qui agace ou captive mais ne laisse pas indifférent, un film qui est tout à la fois un film d’auteur, un film d’action, un film d’horreur, qui allie musique, réflexion, poésie, émotion !
Il ne faut donc surtout pas se laisser influencer par le titre passe-partout, sans aucun rapport avec le thème du film, trouvé par les distributeurs français... En revanche, vous aurez compris à la fin du film la signification de son titre original, Verbo.
Verbo, donc, est un film très riche, bourré d’idées parfois délirantes et de références, même s’il est difficile d’en citer une de manière précise... un peu comme si, finalement, le réalisateur nous emmenait en voyage dans le cerveau d’une ado en crise. Et s’il s’agissait de tourner le film en dérision, on pourrait dire qu’effectivement, ils sont plusieurs à l’intérieur et que c’est un beau bordel... sauf que le sujet du film est trop grave et trop dramatique pour le traiter aussi légèrement.
Mais tout le talent d’Eduardo Chapero-Jackson est précisément de ne pas trop s’apesantir sur ces éléments dramatiques et de nous amener à réfléchir sur la vie et le destin de Sara au moyen d’astuces scénaristiques qui mélangent habilement les tags, le rap, l’animation, le jeu vidéo, au service d’une intrigue finalement assez simple mais qu’il serait vraiment dommage de dévoiler.
Certains pourront regretter un début faible et ennuyeux, avec une Sara qui traîne son mal-être, le regard vide et les traits inexpressifs, jusqu’à donner envie d’appuyer sur la touche "eject" du lecteur de DVD... et ils auront raison. D’autres critiqueront l’accumulation de clichés sur la crise de l’adlescence et ils auront raison aussi. Mais tout cela sert le propos du réalisateur et de toute manière, que peut-on inventer de nouveau sur le sujet ? Rien, si ce n’est sur la façon d’approcher et de traiter le sujet, ce que Verbo réussit à merveille.
On ne peut donc que recommander ce film, pas seulement aux ados eux-mêmes, mais aussi à leur parents. Car contrairement à ce que certains pourraient croire, les difficultés de l’adlescence ne se limitent pas à des questions d’acné, d’hormones et de rebellion face à l’autorité. Parfois, la quête d’identité et la recherche de sa place dans la société peuvent déboucher sur des problèmes bien plus graves. Et parfois sans que personne s’en rende compte, comme le film le démontre à la perfection.
Et en dépit de ce qui précède, n’allez surtout pas croire que Verbo soit ennuyeux ! Même si le début du film est un peu plat, même s’il ne s’agit pas vraiment d’un film d’action, les surprises, les trouvailles du réalisateur sont si nombreuses qu’on reste tenu en haleine jusqu’aux dernières secondes, jusqu’à une fin à l’image du film, qu’on aimera ou qu’on détestera...
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