Teeth
Les mutations... un thème porteur en matière de cinéma fantastique qui connut son maître en la matière de David Cronenberg dans les années 70-80. Mitchell Lichtenstein décide d’y rajouter une bonne louche de comédie noire... pour un résultat réussi ?
Dawn O’Keefe est une adolescente américaine somme toute ordinaire... tout du moins si l’on suit l’american way of life prôné par les plus conservateurs étatsuniens dirons nous... Dawn est, naturellement pourrait-on dire, jeune militante au club de chasteté de son lycée. Elle n’hésite pas à prendre la parole lors des réunions d’information et ainsi promouvoir le port de l’anneau symbolisant ce vœu de chasteté. Cela dit, la belle jeunesse puritaine peut-elle se suffire d’un tel procédé, et ainsi tel l’auteur de ces lignes céderont-ils malheureusement aux sirènes du vice ? En effet, sous ce vernis sans craquelure apparente, la vie et l’environnement de la jeune Dawn sont en fait loin d’être si paradisiaques. Disons que l’addition, je suis une jeune fille attirante, je prône l’abstinence avant le mariage, je suis l’objet de convoitise à la fois du fils de mon propre beau-père et de la gente masculine du lycée, sans compter la naissance de mes premiers désirs, tout ceci fait un peu beaucoup pour ses frêles épaules. Sauf que Dawn va pouvoir compter sur l’aide de la centrale nucléaire qui est implantée non loin de son chez soi... un élément tout sauf anodin s’il en est. Bref toc toc toc, le fantastique frappe à la porte et en particulier les mutations chères au canadien David Cronenberg. Ainsi notre héroïne, et ce depuis son plus jeune âge, possède un vagin pourvu d’une dentition somme toute très aiguisée, dispositif "naturel" de protection plus connu sous le terme de vagina dentata. Mademoiselle O’Keefe pourra dès lors s’occuper des cuistres mâles qui en veulent à son intégrité...
Toute série B ou film de genre qui se respecte se doit d’avoir un minimum de cohérence. Teeth de Mitchell Lichtenstein (fils de Roy, le pape du Pop Art) rappelle par moment la fameuse question que tout bon pilier de bar se demande une fois dans sa vie : ce verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Contrairement au canadien cité précédemment, Lichtenstein n’a en aucun cas une vision clinique. Ce dernier lorgne vers la comédie noire fantastique tout en rappelant certains aspects typiques du réalisateur danois Lars Von Trier, à savoir un malin plaisir à jouer les sadiques avec son héroïne. Certes, contrairement à Breaking the Waves, ce sadisme est surtout à mettre en parallèle avec un parcours initiatique : "souffre ma fille, c’est pour ton bien, Dieu (ou les radiations) t’a donné un moyen de lutter"... d’autant plus qu’il ne s’agit pas de filmer un mélodrame comme chez le (misogyne ?) danois. Toujours est-il qu’on en vient à se demander si cette provocation envers les conservateurs est bien utile car gratuite. Certes, tout est bien qui finit bien car contrairement aux films d’horreur des 70’s-80’s où coucher rimait forcément avec meurtre sanglant par le psychopathe de service, Dawn assume et maitrise parfaitement ce don de la "nature".
De même, le traitement de la jeune Dawn au début du film peut paraitre caricatural, mais que dire du portrait de la gente masculine... Entre un gynécologue pervers qui a dû faire le pari avec des collègues qu’il pouvait perdre sa gourmette dans le vagin de sa jeune patiente, un demi-frère véritable rebelle de seconde zone avec tatouages, piercings, rottweiller et heavy metal bas du front en option et quelques lycéens violeurs queutards, la panoplie est tout sauf glorieuse. Du coup, le style comédie noire fantastique se voit cruellement discrédité par cet excès de caricature.
Au final, Teeth, une honnête série B bancale, à défaut d’obtenir un croisement réussi entre l’univers Cronenbergien et la comédie noire.
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