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Entretien avec Cédric Desseaux

samedi 14 août 2010
par Didier Giraud
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J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de son (premier) roman Dédale Vers l’Empyrée et j’avais envie d’en savoir plus, tout simplement. Et comme Cédric a répondu "oui" a ma demande - ce dont je le remercie au passage - et a accepté de jouer le jeu en répondant à quelques questions... voilà comment il a écrit son roman et les conseils qu’il peut donner à ceux qui pourraient avoir envie de se lancer dans une aventure de ce genre. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il en a d’autres en préparation !

Didier Dédale Vers L’Empyrée est ton premier roman ? C’est un projet que tu avais en tête depuis longtemps ?

Cédric Mon premier roman publié ! Outre quelques nouvelles, je m’étais déjà essayé, il y huit ans de ça, à l’écriture d’un roman de médiéval fantastique déluré de presque 800 pages . Je ne l’ai jamais soumis à une maison d’édition mais j’ai eu beaucoup de bonheur à l’écrire, à m’essayer à la narration, j’ai amusé des amis... Quant à « Dédale Vers l’Empyrée », il n’y a eu qu’un pas à effectuer entre le moment où j’ai ressenti le besoin de reprendre l’écriture et les premières inspirations posées sur la page blanche. Ecrire ce livre m’est brutalement apparu comme une nécessité.

Didier Tu as fait le choix d’un roman entre SF et fantastique, ce qui n’est pas anodin. Pourquoi ce choix ? Tu es un fan du genre, ou y a-t-il une autre raison ?

Cédric Amateur du genre, oui, même si je lis beaucoup d’autres choses, et pas que des romans. Maintenant, j’avoue n’avoir pas spécialement souhaité tenter un lien entre SF et fantastique. C’est la trame qui s’est tissée entre le livre et moi qui l’a imposé. C’est l’esprit du livre pour qui j’ai accepté d’être une interface qui l’a imposé…

Didier C’est une fin du monde plutôt inhabituelle que tu as imaginé pour Dédale Vers l’Empyrée. Cette idée du Malaise t’est venue comment, si ce n’est pas indiscret ?

Cédric Comment ? J’avoue ne même plus m’en souvenir. Voyons… Il y avait le souhait de parler d’un demain hypothétique, comme un terrain prospectif propre à me stimuler, et qui commencerait dans les montagnes où j’ai grandi. Voilà pour le seul aspect affectif, ce choix strictement personnel pour m’assurer un lien direct ( et facile somme toute ) avec la narration.

Ensuite, ce fameux Malaise ? Plus que jamais, (et plus encore qu’à l’époque où j’ai entamé l’écriture de ce roman ) je suis persuadé que l’œuvre humaine est entrée dans le creux de la vague de son évolution, et, donc précisément, dans son involution. L’humanité a atteint un point critique de son histoire. Nous ne pouvons plus de nous même corriger le tir : le système est pourri jusqu’à la moelle. C’est donc la sauvegarde inscrite dans l’inconscient de notre race qui va s’en occuper. Parce que nous devons progresser, sans discontinuer. J’ai alors traduit la chose au travers du prisme de ce Malaise que nous subissons tous un jour ou l’autre, contre lequel nous parvenons à nous battre, ou pas. Il s’avère simplement que dans mon roman, cette influence est plus que jamais prégnante, voie inexorable. Le Malaise est le premier personnage du livre. Le plus important.

Didier J’avais écrit dans mon article consacré à ton roman "on a le sentiment que Cédric Desseaux a appris à écrire en l’écrivant et que ses progrès ont été fulgurants, le roman devenant de plus en plus passionnant au fur et à mesure qu’on avance dans le récit"... Qu’en penses-tu ? As-tu l’impression que ton écriture a évolué entre le début et la fin du roman ?

Cédric Comme tu as raison ! Bien-sûr que l’écriture a évolué, en même temps que je passais de plus en plus de temps « là-bas… » Ce roman a été écrit en deux ans mais avec au milieu un syndrome de page blanche qui a duré presque un an. Mais, ma situation professionnelle de l’époque m’aliénant moins, j’ai pu me consacrer de nouveau à fond à l’écriture. Il faut être libre pour écrire, du moins de son temps, en premier lieu. Et puis, il s’est passé des choses dans ma vie personnelle qui ont influé dans le bon sens pour me permettre de progresser.

Didier Ton roman démarre comme une sorte de Mad Max avant d’évoluer vers quelque chose de beaucoup plus complexe et de beaucoup plus profond. J’aimerais savoir si tu avais la fin en tête lorsque tu as commencé à l’écrire, ou si c’est venu plus tard.

Cédric Il y a trois choses primordiales pour moi avant d’attaquer l’écriture d’un livre : que le roman ait un nom, voilà pour le diagramme de base autour duquel je tisse, ensuite que des scènes à développer s’imposent naturellement à mon esprit, sans forcer, juste en les provoquant à l’avance. Semer un germe d’idées, et attendre qu’elles surviennent fleuries ! Quand elles veulent mais souvent : alors, je sens qu’il est l’heure... Et enfin, il me faut une fin, et « Dédale Vers L’Empyrée » avait la sienne avant que les premiers chapitres ne viennent au monde. Je ne fais finalement que développer la trame depuis sa fin jusqu’au commencement… Je sais comment ça finit, mais j’ai tout à découvrir, déchiffrer, remodeler pour y parvenir depuis le chapitre premier.

Didier Une question un peu plus personnelle ... Il y a un côté mystique (que j’avais qualifié de "new age"), avec le personnage de Léa pour commencer, puis celui de Vernon pour finir. Cela correspond-il à des convictions personnelles ou est-ce une astuce d’écrivain pour étoffer tes personnages ?

Cédric Ce sont les personnages qui se sont imposés à moi, bien avant la narration globale du livre. Il me fallait leur faire confiance. Mon véritable travail a consisté à lutter contre ce besoin inconscient que l’auteur a de trop vouloir mettre de lui en ses personnages. Il me fallait absolument sauvegarder leurs archétypes de base. Evidemment, on va retrouver de moi, d’autres personnes chères dedans, mais je me suis attaché à veiller à ce que ça ne déborde pas, que ça n’influence pas. Les critiques m’ont assuré que les personnages avaient beaucoup d’âme, qu’ils « parlaient » vraiment au lecteur. Tant mieux, mission accomplie. Alors, pour répondre plus précisément, si Léa a ce côté New Age, bancal par définition, c’est parce que, au nom de la trame, elle se devait d’être dotée d’un don précieux, mais aussi d’être incapable de communiquer foncièrement sur ce don et sur les énergies qui nous font et défont sur Terre. Si elle devait être plus éclairée que cela, tisser une trame comme celle de « Dédale Vers L’Empyrée » aurait été impossible. J’avais besoin de comprendre, à la mesure où ses propres schémas de pensée le pouvaient. Avant d’être un personnage, Léa est une clef. Encore une fois, il y a un lieu, son énergie, une fin à atteindre avec tout le poids de sa sentence, et au milieu des personnages qui viennent vous hanter ( je mesure pourtant mes propos ) pour y parvenir. Ces personnages vous font un cadeau précieux : expérimenter l’empathie à un degré supérieur. On ne juge plus les autres, on les laisse vivre. C’est la trame même du livre qui est en jeu. Et croyez-moi, j’ai eu dès lors aussi énormément de plaisir à faire vivre les salauds de mon roman ! Quant à Vernon… New Age ? Je te laisse libre de tes propos. Peut-être cette correspondance à sens unique qu’il a instauré à la fin vers l’âme de sa douce le laisse penser. Mais j’ai écrit cette dernière partie de quelques pages sans souhaiter la corriger, la développer. Elle devait rester un jet, douloureux à écrire au demeurant.

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Didier As-tu d’autres projets dans le domaine de l’écriture ?

Cédric Une bonne dizaine de synopsis plus ou moins développés sont en stand-by, ils flottent quelque part autour de moi, dans l’attente. Mon problème actuel, outre une activité professionnelle chronophage, est que je suis littéralement coincé entre deux romans. Résultat, je n’avance pas, je suis même incapable de faire un choix. Tout cela va se décoincer sous peu, il me faut simplement être patient. Et travailler ! Pourtant, ces deux livres n’ont strictement rien à voir entre eux. Ils sont en tous les cas tous deux de tendance Anticipation ; l’un est subtilement parano, merci K. Dick, et l’autre plus ancré dans une certaine continuité avec Dédale Vers L’Empyrée, quoique plus délicat, plus poétique, plus noir aussi…

Didier Quel conseil donnerais-tu à un jeune écrivain qui se lancerait dans l’écriture d’un roman ?

Cédric Difficile de donner des conseils à mon niveau. Je suis toujours un débutant. Mais dans un premier temps, j’ai envie de dire : n’écrivez surtout pas dans l’espoir d’être édité. Laissez-vous d’abord gagner par cette soif d’écrire, laissez le livre s’imposer à vous, laissez-le vivre comme il le doit : ce n’est pas vous qui offrez un roman, c’est le roman qui s’offre à vous. Ensuite, il faut avoir le temps, et pas seulement deux mois d’été. L’écriture est un travail régulier, une seconde vie assumée. Et quand la flemme d’aller au charbon se fait pesante, que l’inspiration ne vient pas, retravaillez les chapitres déjà écrits, leur style, la forme. L’ascenseur quantique reviendra automatiquement à vous. Sachez aussi ne pas insister ; je pense sincèrement que quand l’inspiration n’œuvre plus du tout, cela signifie que l’on a quelque chose d’autre de plus important à régler dans notre vie. Mettez l’écriture de côté. Et assumez. Revenez-y avec toujours au fond de l’esprit qu’il n’existe aucune révélation ni victoire sans la douleur qui les caractérisent. Vous allez en chier, mais c’est en tout amour que vous vous devez d’en chier. Quitte à balancer 200 pages d’un coup pour recommencer. Ne cherchez pas à vendre un livre, construisez-le de manière assumée. Vous êtes l’interface, mais aussi l’architecte. Le maitre d’œuvre mais aussi l’ouvrier. C’est comme ça…

Maintenant, si le souhait d’être édité est là, et c’est une règle d’or, la seule que je permette d’écrire en toute confiance : n’acceptez jamais un contrat d’autoédition où vous devrez payer pour voir votre livre naitre dans le commerce, ce ne sont que des belles escroqueries : si votre livre doit pouvoir séduire un lectorat, il doit d’abord séduire des éditeurs prêts à miser sur ce livre. Ensuite, inutile de perdre votre argent en soumettant votre manuscrit à des maisons spécialisées dans la lecture critique, dans l’établissement d’une fiche de lecture, dans la transmission de données d’éditeurs avec lettre-type et tout le tremblement. Si vous devez être conseillés, c’est gratuitement ou à moindre frais ! Ecrivez pour vivre intensément ce miracle, quelque soit votre degré de spiritualité, votre grandeur d’âme. Vous serez récompensés de la plus belle des manières : vous ne supporterez plus de devoir parfois arrêter. Et lisez ! lisez énormément, et pas que des choses sensées vous plaire ; entrez pour de bon dans le circuit quantique du lecteur/écrivain.

Il faut du temps, de l’énergie, certes. Il faut surtout savoir ce que l’on veut. Et les longues périodes d’immersion qui m’ont permis de développer « Dédale Vers L’Empyrée » m’ont appris une chose : vous et votre entourage n’en revenez pas indemnes. J’ai sacrifié des choses d’ici-bas pour découvrir mon livre. J’ai préféré la dèche. J’ai déraillé, plus d’une fois. Mais ce gosse maudit est né des ténèbres qu’il m’étaient imposées d’explorer. D’un point de vue strictement personnel, je vais devoir refaire des choix. Il va falloir reprogrammer une période de crépuscule intérieur pour mettre bas le second livre : la vie sociale ou le livre.

Dantec a raison : on n’écrit vraiment librement que du fond d’une cellule…


Pour ceux qui souhaiteraient découvrir quelques pages de ce roman, un extrait est disponible sur ce site.



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