Splice
En préambule, même si l’envie démange le préposé à la chronique, on se gardera bien d’avoir (au début) un esprit un peu trop acerbe envers le réalisateur canadien Vincenzo Natali, encore que depuis son culte Cube, les espoirs portés en lui se seraient dissipés au cours du temps si on en croit ses deux précédents et anecdotiques longs métrages.
Clive Nicoli (Adrien Brody) et Elsa Kast (Sarah Polley), deux chercheurs en génétique ont réussi l’improbable, créer un être organique artificiel en combinant l’ADN de différentes espèces. Cet hybride d’aspect larvaire, loin de l’image attendue d’une chimère, leur permet d’obtenir de nouvelles molécules, l’industrie pharmaceutique subventionnant leurs recherches d’apprenti-sorcier étant plus intéressée par la manne financière induite par ces protéines nouvellement créées que par la perspective, ô combien réjouissante, de créer des vers de 10 kilos prénommés pour l’occasion Ginger et Fred (1). Le scientifique, étant par nature un grand enfant irresponsable, notre couple décide de faire, avec un peu de retard il est vrai, sa crise d’adolescence en se rebellant contre l’autorité. Nicoli et Kast brulent dès lors les étapes, et contre l’avis de leurs (sages ?) supérieurs, combinent de l’ADN humain avec celui de leurs larves dealeuses de néo-molécules. A l’insu du NERD (2), la créature grandit au sein du laboratoire à l’abri des regards indiscrets malgré la désapprobation passive de Clive, ce dernier ayant toutes les peines du monde, contrairement à sa moitié, à transférer son désir de paternité envers cet hybride. Puis la nouvellement baptisée Dren (3) emménage dans la ferme familiale héritée de la mère d’Elsa, un éloignement relatif tant celle-ci accapare de plus en plus de temps à ses créateurs au détriment de leur travail pour leur laboratoire. Ainsi, ce qui ressemblait au départ au croisement improbable entre un poulet et un mammifère tend à évoluer aussi rapidement que pouvait l’être sa gestation, en quelques semaines Dren prend l’apparence d’une adolescente mutante (Delphine Chanéac) qui non contente de développer un complexe d’Électre a la particularité d’avoir au bout de sa queue un aiguillon venimeux...
Splice a l’image de sa créature est un film bigarré, alternant le bon et le décevant, des effets spéciaux haut de gamme au service d’une histoire (et non l’inverse comme on a trop souvent l’habitude de le constater ces dernières années depuis les progrès notables des FX numériques (4)) côtoyant des décors dignes par moment d’une production Eurociné, et une histoire classique ou sans originalité notable selon si vous êtes tolérants ou non avec la Science-fiction adepte des figures imposées ou celle prévisible tournant à vide enquillant les poncifs comme la dernière série B venue. Natali et ses scénaristes à force de vouloir bien faire (donnons leur le bénéfice du doute) ont tendance à multiplier les pistes sans véritablement les développer, rendant certaines parties du récit sinon inutiles tout du moins sans incidence essentielle (en particulier l’enfance et le rapport particulier qu’entretenait l’héroïne avec sa mère) sous le prétexte d’une supposée épaisseur psychologique ?
Natali brode ainsi autour de la sempiternelle histoire de la créature qui échappe à ses créateurs un film manquant de prises de risque, là où le David Cronenberg des années 70-80 aurait mis en place une tragédie cruelle viscéralement sexuée et violente (5) (et Paul Verhoeven une véritable boucherie où sang et autres fluides corporels auraient dansé la sarabande), le réalisateur de Cube rate sa cible et propose une version bancale, d’autant plus à côté de la plaque que le cinéaste avait toutes les cartes en main.
Splice ou le film d’un cinéaste synonyme d’espoir évaporé.
(1) Est-ce que nos deux hurluberlus ont l’intention de leur apprendre un numéro de claquettes ?
(2) Vincenzo Natali a dû faire l’école du rire pour nommer de la sorte le laboratoire...
(3) Autant nos deux gus avaient tenté une fantaisie avec nos deux vers, autant là, Elsa s’est pas trop foulée.
(4) Cela dit, accuser de tous les maux les effets numériques semble disproportionné et être le fruit d’un faux jugement, révélateur (parfois ?) d’une posture conservatrice. Si les effets spéciaux numériques servent quelque fois de prétexte à un film fantastique, on peut admettre que les FX au sens large l’ont toujours été. Auparavant le récit, du fait des limitations technologiques de l’époque, était "bridé" chez certains (la suggestion, procédé ingénieux, ne résolvant par tous les problèmes) alors que désormais, les progrès des effets numériques sont tels que tout semble quasi permis. Malheureusement, cet essor ne rime pas forcément avec révolution, certains cinéastes préférant garder une posture "bling bling".
(5) Sans doute le plus beau ratage du film, une sensualité et une tension sexuelle qu’on croirait sorties de l’imagination d’une mormone. Si c’était pour avoir un résultat aussi terne, valait mieux rendre une copie totalement asexuée.
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