Les Chaussons rouges
Alors que va commencer la course aux préparatifs des fêtes de fin d’année, pourquoi ne pas s’installer confortablement près de la cheminée et revoir ce magnifique conte filmé qu’est le film Les Chaussons rouges. Un film féerique tant par l’histoire qu’il raconte que par sa réalisation inédite.
Les Chaussons rouges est une production britannique de 1948 écrit et réalisé par Michael Powell (Peeping Tom, 1960) en collaboration avec Emeric Pressburger, deux réalisateurs atypiques dont la recherche visuelle, l’innovation technique et l’écriture scénaristique ont influencé toute une génération de cinéastes, comme Martin Scorsese, Steven Spielberg ou Brian De Palma.
En 1942, le réalisateur anglais Michael Powell s’associe à Emeric Pressburger pour créer une société de production indépendante (The Archers) et ainsi donner quelques uns des plus beaux chefs-d’œuvre du cinéma : Colonel Blimp, Les contes de Canterbury, Le Narcisse noir, Les contes d’Hoffmann et bien sûr Les Chaussons rouges.
Pourtant les deux réalisateurs semblent trop précurseurs pour leur époque : l’utilisation du procédé technicolor trichrome et une réalisation moins « traditionnelle », collant plus à la vision singulière du monde qu’ils conçoivent, provoqueront alors l’incompréhension des critiques et du public. Le film Peeping Tom (Le Voyeur) en 1960, trop choquant, entrainera même la fin de The Achers. Peu à peu les films de Powell et de Pressburger tomberont dans l’oubli jusqu’à ce que, dans les années 70, la nouvelle génération de réalisateurs (Brian De Palma, Francis Ford Coppola, voir même George Romero) fassent de Peeping Tom une œuvre culte et inspiratrice.
Un compositeur encore inconnu et une jeune danseuse sont engagés dans une prestigieuse troupe de ballet par un directeur aussi despote que talentueux. Celui-ci renvoi sa danseuse étoile, sur le point de se marier, et la remplace par la jeune danseuse, tandis que le compositeur doit écrire un nouveau ballet à partir du conte d’Andersen, Les Souliers rouges : une jeune fille chaussent des souliers magiques et perd le contrôle de sa vie. Le ballet est un triomphe. La nouvelle danseuse étoile et le compositeur devenu célèbre tombent amoureux, mais le directeur intransigeant impose à sa danseuse de choisir entre son amour et la danse. Tiraillée par ses deux passions, la jeune femme mettra fin à ses jours.
A la fois drame et conte musical, Les Chaussons rouges est un film remarquable évoquant très justement l’art et la danse en particulier. Belle réflexion sur la dureté implacable du milieu et la beauté gracile qui doit en découler pourtant, où l’art (la danse classique) « dévore » celui qui s’y adonne, le poussant à toutes sortes de sacrifices (psychologiques et physiques) jusqu’à basculer parfois dans la névrose. Ainsi la longue et sublime séquence du ballet (17 minutes du film) marquera longtemps le spectateur par sa belle métaphore et la fluidité de la mise en scène : Victoria devient son personnage pour ne plus le quitter, annonçant alors son funeste destin.
C’est par le talent de toute une équipe que le film Les Chaussons rouges a pu voir le jour et devenir au fil des décennies une référence cinématographique. La réalisation impeccable et innovante de Michael Powell (fondus enchaînés, abondances des décors, superpositions d’images, diversités dans les plans, etc…), le scénario pointu d’Emeric Pressburger, la flamboyance du technicolor grâce au directeur de la photographie Jack Cardiff (Le Narcisse noir, Guerre et Paix, Les Vikings), les chorégraphies et la partition musicale, ainsi que les interprétations des acteurs principaux, font de ce film une rareté à (re)découvrir.
Les Chaussons rouges de Michael Powell sont disponibles dans une version restaurée en DVD et BluRay depuis le 09 novembre 2011. A noter que Martin Scorsese est le consultant pour la restauration avec Thelma Schoonmaker Powell.
Voilà une belle occasion pour (re)découvrir ce chef-d’œuvre qui a inspiré de nombreux réalisateurs dont Darren Aronofsky avec son film Black Swan. Mais est-ce que Darren Aronofsky influencera autant "le cinéma de demain" comme le fit Michael Powell, mais lui sans tapage médiatique ? Sans attendre la réponse, je pars vite enfiler mes fantasmagoriques chaussons rouges, me délectant déjà à l’idée de voir le film dans sa version restaurée.
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