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The Theatre Bizarre

Réalisé par sept spécialistes du cinéma de genre
vendredi 21 décembre 2012
par Laurence Verdier
popularité : 1%

The Theatre Bizarre rend hommage au genre Grand Guignol (des spectacles créés au 19ème siècle montrant des gags horrifiques et très souvent sanguinolents) sous la forme d’une anthologie de sept courts-métrages macabres et gores à souhait tournés dans quatre pays, dont la France et le Canada, par une équipe de réalisateurs bien connus des spectateurs avides de cinéma d’exploitation (d’horreur et autres petites perversions cinématographiques) : Richard Stanley (Hardware), Karim Hussain (Subconscious Cruelty), Buddy Giovinazzo (Combat Shock), Tom Savini (le maître des effets spéciaux), Douglas Buck (Cutting Moments), David Gregory (Plague Town) et Jeremy Kasten (The Wizard of Gore) donnant la vedette entre autre à l’inoxydable Udo Kier (Chair pour Frankenstein, Suspiria, Epidemic, j’en passe et pas que des meilleurs, je pense à Dracula 3000).

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C’est le réalisateur Jeremy Kasten qui frappe les trois coups, en tirant les lourds rideaux poussiéreux du Théâtre Guignol : dans un quartier mal famé d’une grande ville américaine, une jeune fille est intriguée par les lumières qui s’échappent d’un théâtre depuis longtemps abandonné. Une nuit, elle voit que la porte d’entrée est restée entrouverte ; elle décide alors de se faufiler à l’intérieur. Mais là, dans l’obscurité, un inquiétant automate "plus vrai que nature" (l’acteur Udo Kier) lui annonce le programme du théâtre, sous la forme d’un spectacle de marionnettes. Six contes de l’Étrange lui sont alors racontés dans des sketches morbides, tandis que le maître de cérémonie devient de plus en plus... humain.

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La première histoire nous emmène au coeur des Pyrénées : un jeune couple achète un collier représentant un Pentagramme sur un marché local. La marchande (la comédienne Catriona MacColl) propose aux jeunes gens de venir chez elle découvrir un exemplaire du Necronomicon. Mais la jeune femme préfère se promener, et laisse son compagnon y aller seul. Arrivé dans la maison isolée de l’étrange femme, le jeune homme se laisse séduire puis envoûter par la marchande devenue bien lubrique. The mother of toads du réalisateur Richard Stanley est un conte lovecraftien baignant dans une atmosphérique moite, qui rappelle un peu l’univers de Lucio Fulci (1) où règne la magie noire et la perversion.

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La seconde histoire est mise en scène par Buddy Giovinazzo, et évoque là-aussi la fragile frontière entre la réalité et le cauchemar : un mari infidèle se perd dans ses rêves Freudiens. Un jour il se réveille en sang dans la salle de bain, avec une large entaille à la main. Alors ses souvenirs resurgissent : sa femme est venue plus tôt lui annoncer qu’elle le quittait pour aller vivre avec son amant. Cette sombre et pathétique déclaration d’amour : I love you, nous raconte la fin d’une romance virant au drame macabre avec le troublant André Hennicke (La Chute, A dangerous Method).

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Dans le conte de Douglas Buck, The accident, une mère roule paisiblement, avec sa petite fille à ses côtés, aux abords d’une forêt quand elles se font doubler par un motard. Peu de temps après, elles découvrent que la moto a percuté un élan. L’animal, blessé, est couché sur le bord de la route, et la petite fille se voit confrontée à la lente agonie de l’élan. Rentrées toutes les deux à la maison, la fillette se blottit sous les couvertures de son petit lit, pour écouter sa mère lui expliquer ce qu’est la Mort. The accident est une lente réflexion sur la cruauté du Monde. Cette histoire fait une douce césure avec les histoires gores précédentes, et semble flotter au dessus du Theatre Bizarre, en attente d’un nouveau conte horrifique.

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Le maître des SPFX, Tom Savini, passe de nouveau derrière la caméra (2) pour mettre en scène un homme qui sombre peu à peu dans la paranoïa après avoir fait un cauchemar terrifiant. Sa femme va-t-elle sombrer elle-aussi dans la folie quand elle découvrira que son mari la trompe... Mais où se situe vraiment la réalité ? Wet Dreams met en scène l’actrice Debbie Rochon (connue chez les plus "aware" d’entre nous comme étant une Scream Queen Tromasienne (3)) dans un rôle différent de ses personnages habituels : une gentille femme au foyer découvre que son mari la trompe. A noter que les effets spéciaux très gores sont réalisés par la société spécialiste des films d’exploitation Toetag Pictures (August Underground de Fred Vogel).

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Vision stains, réalisé par Karim Hussain, est l’histoire qui, à mon humble avis, se veut la plus originale : une jeune femme vivant dans un recoin insalubre d’une ville obscure écrit dans son journal intime les effets de la nouvelle drogue qu’elle utilise et surtout comment elle se la procure. Elle n’hésite pas à tuer les clochards qu’elle côtoie pour se faire un shoot avec le fluide de leurs yeux, puis se l’injecte dans son propre oeil. Vision stains met le spectateur mal à l’aise dès les premières images. L’interprétation de l’actrice Kaniehtiio Horn (The Wild Hunt) est saisissante, donnant vie au cauchemar surréaliste que ressent son personnage drogué... jusqu’aux yeux !

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La sixième et dernière histoire propose aux spectateurs du Theatre Bizarre une petite "collation" qui va se transformer très vite en orgie cauchemardesque : un jeune homme timide et fou amoureux d’une femme adorant les bonbons, se force à manger lui-aussi des kilos de sucreries, mais cette envie d’amour (et de sucré !) va se transformer en dramatique obsession pour la nourriture... et les banquets orgiaques. Mais bientôt la jeune femme annonce qu’elle veut quitter son compagnon. Sweets, réalisé par David Gregory, est un délire visuel jouant à la fois sur le dégoût de la nourriture et le désir de luxure. Entre Marco Ferreri et Tim Burton !

IMG/flv/TheTheatreBizarre.flv

The Theatre Bizarre est une oeuvre cinématographique réalisée et produite par des fans et surtout des spécialistes du genre fantastique. La société de production Metaluna, créée par Jean-Pierre Putters (le créateur de la revue mythique Mad Movies) et le réalisateur Fabrice Lambot (Dying Dog), a collaboré à cette "aventure internationale". Le cinéma de genre en France étant totalement dédaigné (4), il est bon de saluer cette initiative cinématographique.

Ce Théâtre Bizarre joue, tantôt sur la sempiternelle peur et la fascination du spectateur pour les histoires d’horreur, tantôt sur les images provoquant le dégoût, avec des scénarios, des tons et des styles très chamarrés. C’est avant tout un film pour les fans de gore distillant les clins d’oeils et les références cinématographiques à ce genre de cinéma : la comédienne Lynn Lowry (Score, I drink your blood, Shivers) fait une apparition dans le film de David Gregory, le compositeur Simon Boswell (Phenomena, Santa Sangre, Le Maître des illusions) fait lui-aussi une apparition dans le Theatre Bizarre. C’est un film à sketches conçu par des passionnés, où chaque réalisateur a pu aider et travailler sur différentes histoires, comme Karim Hussain qui s’est occupé par exemple de la photographie pour le sketch de Richard Stanley.

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The Theatre Bizarre est une œuvre destinée aux plus férus des amateurs du genre horrifique, mais elle reste bien inégale. Malgré la présence d’acteurs fétiches de ce cinéma, et des meilleurs réalisateurs indépendants actuels, l’exercice de style reste toujours aussi périlleux, il suffit en effet d’évoquer les films fantastiques à sketches les plus connus comme Creepshow de George A. Romero (même s’il n’y a qu’un seul réalisateur au générique, le film reste pourtant très bancal), le film britannique Tales from the Crypt de 1972, ou la référence absolue : La Quatrième Dimension réalisée par John Landis, Steven Spielberg, Joe Dante et George Miller. Ces films n’ont pas eu le succès attendu à l’époque, montrant bien que le film à sketches est un genre particulier aux segments souvent aléatoires, tentant le difficile équilibre entre des scénarios, des styles et des tons trop différents. Le film Histoires Extraordinaires de 1968, inspiré des nouvelles d’Edgar Allan Poe est peut-être le film à sketches le plus abouti, et prouve que l’on peut réussir, malgré toutes les difficultés, cet exercice cinématographique bien complexe. Saluons tout de même cette récente tentative, en nous rendant dans ce Theatre Bizarre, qui n’a, après tout, que le seul but de redonner vie à un genre cinématographique toujours aussi peu reconnu, mais que nous aimons tant aux Mondes Étranges.

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(1) Catriona MacColl est une égérie de Lucio Fulci (Frayeurs, L’Au-Delà, La Maison près du cimetière).

(2) Tom Savini, plus connu pour ses effets spéciaux gore (Zombie, Vendredi 13, Family Portraits), tourne en 1990 le remake de La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, film où il était d’ailleurs pressenti pour réaliser les SPFX.

(3) En français : Reine du Hurlement dans les productions Troma ( The Toxic Avenger 4, Tromeo et Juliet).

(4) Une petite production de chez Metaluna, actuellement en cours de tournage, intéressera tous les fans d’un cinéma fantastique 80’s sentant bon l’amateurisme : Super 8 Madness réalisé par Fabrice Blin et Vincent Leyour.



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