Hannibal
Après quatre romans devenus très vite des best-sellers : Dragon Rouge, Le Silence des agneaux, Hannibal, Hannibal Lecter : Les Origines du mal, qui ont chacun fait l’objet d’une adaptation cinématographique à succès, le "célèbre" tueur cannibale crée par l’écrivain Thomas Harris, le dr Hannibal Lecter, revient sur nos (petits) écrans dans une série conçue par Bryan Fuller, le créateur de Dead Like Me et de Pushing Daisies.
Diffusée d’abord sur la chaîne américaine grand public NBC en avril dernier, la série n’est certainement pas une banale préquelle combinant nouvelles enquêtes et nouveaux tueurs en série, telle une sorte de procedural (1) mêlant humour noir, sexe et violence qui pullule actuellement. Au contraire, les interprétations impeccables d’un Laurence Fishburne, à la fois impressionnant par sa carrure et à la fois touchant dans le rôle de l’agent du FBI Jack Crawford, ainsi que celle de Hugh Dancy incarnant le fragile profiler Will Graham, et surtout l’interprétation de l’acteur Mads Mikkelsen en Dr Hannibal Lecter m’ont fortement surprise, de même que l’esthétisme très onirique qui nous emmène dans une atmosphère à la fois belle et glaçante.
La composition magistrale de Mads Mikkelsen (2) évite la parodie pour composer un Hannibal Lecter fin à la fois doux et à l’élégance raffinée (mais jamais précieuse) accentuant le contraste de scènes très gores provoquant l’effroi et le dégoût. Je pense en particulier aux scènes des "Corps champignons" et "des Anges".
La composition minutieuse des plans, la musique, les décors détaillés (le quotidien culinaire d’un dr Lecter toujours impeccablement vêtu de costumes raffinés est... "délicieux" à voir), les effets visuels et la mise en scène sophistiquée des plans gores étonnent dans une série diffusée sur une chaîne aussi ancienne que NBC. Aussi je me demande pour encore combien de temps la chaîne va t’elle pouvoir diffuser de nouvelles saisons (même si une saison 2 vient d’être signée) ? Elle a déjà subi la censure d’un épisode et la déprogrammation de Hannibal dans une antenne locale de la chaîne américaine à cause de nombreux spectateurs choqués.
En reprenant l’idée de départ du thriller Dragon Rouge (l’agent Jack Crawford de la Division des Sciences Comportementales du FBI décide de demander au psychiatre Hannibal Lecter d’aider son jeune profiler à enquêter sur une série d’enlèvements), le téléspectateur est plongé dès les premières images dans une ambiance morbide (à cause des crimes commis) etdans le monde feutré et raffiné du psychiatre Hannibal Lecter, ravi de compter le talentueux jeune homme comme nouveau patient. Il n’hésitera pas à utiliser ses macabres déviances pour faire avancer les enquêtes du sensible profiler.
Will Graham devra alors résoudre toutes ces morbides affaires criminelles en entrant à la fois dans la tête des tueurs en série et dans celle de leur copycat. Mais qui peut bien être ce copieur ? Facile...
La relation entre Will Graham, instable psychologiquement, et le bienveillant psychiatre Hannibal Lecter, brillant analyste, néanmoins sociopathe et cannibale à ses heures perdues (sic !), laisse s’installer une atmosphère où baigne constamment des sentiments étranges de malaises.
Les paradoxes abondent : la douceur et la retenue d’Hannibal Lecter (que l’on sait pourtant cannibale !) s’opposent à l’empathie du fragile Will Graham pour les tueurs en série qu’il traque dans un quotidien devenant de plus en plus sordide à mesure qu’il pénètre dans l’esprit de ces tueurs.
Le psychiatre s’amuse de cette ambiguïté et entretient les doutes chez son patient, qui, très troublé par sa fascination grandissante pour les criminels, accepte difficilement que le docteur Lecter s’immisce dans son esprit pour l’analyser (lui aussi devant entrer dans les horribles pensées des tueurs en série !).
L’accumulation de séquences hallucinatoires où se mêlent passages à l’acte des tueurs dans des séquences "à reculons", mais aussi les regards accusateurs des victimes massacrées posés sur Will Graham, font très vite basculer la série dans une ambiance morbide et oppressante... au risque de perdre peu à peu le sens de la réalité.
Après avoir été retrouvés au fil des épisodes, les tueurs en série reviennent hanter le sommeil du jeune profiler dans des cauchemars terrifiants. Son psychiatre et ami, Hannibal Lecter, expliquera à Jack Crawford que toutes ces apparitions provoquent chez son patient, un traumatisme psychologique : Will Graham "est" tous les meurtriers qu’il a traqués.
Le personnage phare de la série n’est donc pas le dr Hannibal Lecter, mais le consultant au FBI, le pathétique et fragile Will Graham. Celui-ci basculera au fil des enquêtes (chaque épisode montre un nouveau tueur en série qui rejoint les autres tueurs dans la vie du profiler), accentuant la force tranquille et l’influence du mystérieux docteur sociopathe. Hannibal Lecter sait prendre son temps pour véritablement peaufiner son "rôle" comme monstre sanguinaire dans le quotidien glauque, voire trash, de son patient (3).
Malgré un mouvement d’opposition radicale de la part de téléspectateurs choqués par des scènes gores de plus en plus spectaculaires sur une chaîne grand public (4), ainsi qu’une forte baisse de l’audience, la série Hannibal aura bien une suite l’année prochaine. En attendant vous pouvez découvrir cette série vraiment différente et très dérangeante sur Canal +
(1) Une série procédurale est une une série composée d’épisodes complets ne nécessitant pas de connaître le contexte initial.
(2) Acteur danois habitué aux rôles "différents", il joue le rôle d’un junkie dans le film Pusher, puis il obtient le Prix d’interprétation masculine à Cannes en 2012 pour son rôle d’un instituteur accusé de pédophilie dans le film de Thomas Vinterberg, La Chasse.
(3) Il faudra attendre le septième épisode pour voir le monstre cannibale en action !
(4) Suite aux attentats de Boston en avril dernier, NBC aurait retiré un épisode "litigieux" de sa programmation.
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