Lilith
Un homme, un certain Monsieur Vane, confronté à des phénomènes étranges qui se déroulent au sein même de sa demeure ancestrale, va soudain découvrir une porte vers des lieux étranges, habités par des personnages qui ne le sont pas moins ! C’est le débit d’un très long voyage parsemé de nombreuses rencontres et aventures qui vont l’amener à remettre en question sa conception même de la vie et de la mort...
Tout commence par une traversée de mirroir et bien évidemment on ne peut s’empêcher de penser au célèbre Alice Au Pays Des Merveilles de Lewis Caroll... qui fut en quelque sorte, comme quoi il n’y a pas de hasard, le disciple de George MacDonald. Le début de ce roman, sous-titré Récit Merveilleux dans son édition française, confirme ce lien de parenté avec Alice, avec l’apparition d’animaux étranges dans un monde qui semble régi par d’autres lois naturelles et physiques que le notre et où la logique est parfois quelque peu malmenée...
Cette utilisation un peu trop systématique du fameux "nonsense" anglais et cette pénible habitude de certains personnages de parler par énigmes s’avère d’ailleurs rapidement agaçante. Heureusement, elle n’a qu’un temps et on se retrouve ensuite plongé dans les aventures étonnantes et parfois merveilleuses de Monsieur Vane.
Plongé, c’est vite dit, toutefois... car il faut bien avouer que même si Lilith est écrit dans un style agréable et parfaitement abordable (ce qui n’est pas toujours le cas de la littérature du XIXème siècle), ce n’est pas pour autant qu’il s’agit d’un roman facile et un minimum de concentration et surtout de continuité sont nécessaires pour l’apprécier à sa juste valeur. Comprenez par là que ce n’est pas le genre de livre qu’on prend pour agrémenter un trajet de 10 minutes en métro...
Car il y a au moins deux niveaux de lecture de Lilith. Le premier, qui se contente de rester à la surface des thèmes traités par l’auteur, permet d’aborder le roman sous son angle fantastique et là, on ne peut que s’étonner de l’étonnante imagination de George MacDonald, qui fait vivre à son héros un nombre invraisembable d’aventures qui vont l’amener à rencontrer des fantômes, une vampire (deux ans avant que Bram Stoker publie son Dracula), une femme chat (quelques dizaines années avant La Féline de Jacques Tourneur au cinéma ), des géants et un peuple d’enfants, entre autres ! Il y a aussi, dans ce récit d’un voyage aussi initiatique qu’aventureux, même si Monsieur Vane n’a rien d’héroique, quelque chose de la Fantasy moderne telle qu’elle a été définie et popularisée par Tolkien.
- Lilith selon le peintre anglais John Collier, en 1887. Peut être George MacDonald l’avait-il vue avant d’écrire son roman ...
Il ya toutefois un second niveau de lecture qu’on ne peut passer sous silence. Prendre comme personnages principaux Lilith, Adam et Eve lorsqu’on est un pasteur calviniste n’est évidemment pas neutre ! Et le fait est que le roman est truffé de références tout à fait explicites à la Bible et aux Evangiles. Des références que même le profane pourra comprendre et apprécier s’il le souhaite, grâce aux notes en fin d’ouvrage.
On pourrait s’en agacer si c’était gratuit... mais il se trouve que ce n’est pas le cas. Car d’une part il ne s’agit en aucun cas de prosélytisme et d’autre part, George MacDonald se sert de son roman pour nous livrer sa propre lecture de la Bible. On peut ne pas être d’accord avec sa vision des choses, mais les questions qu’il soulève intéresseront aussi bien ceux qui ont la fibre philosophique que ceux qui ont le fibre religieuse : sens de la vie, vie après la mort, rédemption et pardon, rôle de la foi et du doute, condition humaine et place de l’homme au sein de la création ...
Il y a d’ailleurs sans doute un troisième niveau de lecture, qui s’adresse aux théologiens qui retrouveront dans Lilith des thèmes spécifiquement calvinistes, plus ou moins malmenés d’ailleurs !
Il ne faudrait toutefois pas conclure de ces considérations religieuses que Lilith est un roman ennuyeux : encore une fois, ceux qui n’éprouvent aucun attrait et aucune curiosité pour ces sujets pourront tout simplement s’abstenir de lire les notes et rester au premier niveau de lecture. C’est d’ailleurs la grand réussite de George MacDonald avec Lilith, d’avoir réussi faire de son roman un récit passionnant et accessible au plus grand nombre tout en lui donnant un contenu et un sens particulièrement riches, mais de manière si discrète et légère que cela passerait presque inaperçu...
Pour la petite histoire, l’édition française de ce roman n’existerait sans doute pas si Françoise Dupeyron-Lafay n’avait pas eu l’idée de le traduire afin de faire découvrir ce roman à son mari Philippe ! Comme quoi la diffusion de la culture tient parfois à peu de choses... Il n’y a plus qu’à espérer que d’autres traductions de cet écrivain très mal connu en France suivront.
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