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Hostel - Chapitre 1

Eli Roth
samedi 10 juillet 2010
par Joe Black
popularité : 48%

Deux jeunes américains décervelés, Josh et Paxton, sont en vadrouille en Europe, en pleine découverte, dans une sorte de voyage initiatique pour décompresser de leurs études... Dans leur périple, ils ont croisé Oli, un islandais aussi fêtard qu’eux, et tous ont fait le chemin jusqu’aux Pays Bas pour y tester les spécialités locales : boites de nuit, marijuana et prostitués en vitrine.
Dans leur quête de filles faciles, ils croisent également un homme leur indiquant une adresse très renommée en Slovaquie, nos trois compères prennent donc aussitôt le train pour l’Europe de l’Est.
Une fois sur place, ils ne tardent pas à faire effectivement la rencontre de jolies jeunes femmes faciles... puis le lendemain Oli disparait mystérieusement ; ils ne le savent pas encore mais le piège se referme sur eux : ces femmes appâtent les touristes...

Bande annonce IMG/flv/Hostel.flv

Avant tout, il faut préciser -si besoin- que ce film n’est pas à mettre devant tous les yeux... même si on prend le recul nécessaire, même si l’horreur est plutôt longue à s’installer vers la seconde moitié du film, certaines scènes de tortures sont très explicite et donc choquantes (même si certaines sont peu réalistes, comme celle avec l’oeil et son nerf optique de 15 cm de long ; je doute que même l’être humain le mieux "bâti" soit si... "câblé"... ;-)) ;

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Ce qui est très dérangeant, avec ce scénario original, Hostel apporte une vision très noire, très pessimiste de l’humanité ; il montre les vices des hommes et pas des moindres, il expose même la folie totale, à travers une sorte d’usine où des hommes riches ayant trop d’argent, payent pour torturer des gens à la chaine. Ces dérangés, complètement déséquilibrés et sadiques, s’ennuyant, blasés du sex, blasés de tout... cherchent à avoir le contrôle, le pouvoir total sur leur victimes. Le pire peut être, au milieu de ces drogues, ce sexe, cette violence, cette corruption, ces manipulations pour abuser de la confiance des gens et les "escroquer", on ne peut pas vraiment dire que tous ces thèmes soient de la science fiction, on est pas si éloigné que ça de la réalité, cette "usine de mort" pourrait bien exister quelque part...
Même les "héros victimes", censés susciter une identification du spectateur, sont décrits comme des fêtards, américains moyens, mais eux aussi n’hésitent pas à profiter de l’argent qu’ils ont, de leur pouvoir d’achat, pour venir s’acheter des femmes aux Pays Bas (présenté comme un pays dépravé pourtant bien européen) ou encore pire en Slovaquie, sur le fond il s’agit bien simplement d’esclavage, de s’acheter le corps d’êtres humains pour en "disposer"... et ils avouent même à demi-mot, avec une certaine logique, vivre de manière plus ou moins semblable dans leur propre pays, cherchant une satisfaction immédiate de tous leurs désirs ; Une scène révélatrice sur ces rapports de possession qui s’inversent dans le film, lorsque Paxton comprend ce qu’il s’est passé, il interpelle la femme qui l’a entrainé : "Espèce de pute" et celle-ci lui répond en rigolant : "Je reçois beaucoup d’argent pour toi, alors dis plutôt que c’est toi ma petite pute..."

Ce qui est également frappant dans ce film (psychologiquement peut être même plus que les scènes de torture bien gores à coups de centaines de litres de faux sang), Hostel est le reflet de la perception qu’ont les americians des étrangers et le reflet également de la perception que les américains ont de ce que les étrangers peuvent penser d’eux, avec peut être une certaine peur sous-jacente -erronée ou justifiée-, d’un anti-américanisme radical ; ainsi torturé un slovaque du coin couterait 5000 $, 10000 $ pour un européen, et il vous en couterait 25000 $ pour un américain... Les américains se percevraient ils comme des cibles de premier choix dans le monde ? là encore, la réalité des différentes prises d’otage dans le monde ces dernières années ne leur donnerait pas tort, et ça entretien un peu le "syndrome de persécution"...

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La Slovaquie est donc décrit comme un pays de barbares totalement arriéré... la prostitution, les filles faciles et malhonnêtes, des enfants sauvages organisés en véritable gang des rues rackettant tout le monde et prêts à tuer pour un sac de bonbons, le vol omniprésent, une mafia gangrénant tout, de la corruption dans la police et sûrement au plus haut de l’état, bref un règne omniprésent de l’argent facile à tous prix, sans plus aucune valeur, pas même pour la vie humaine. Dans toute cette société intégralement corrompue, l’américain et l’occidental sont regardés comme des billets de banque ambulants, le tout sans aucune échappatoire... Même si je ne pense pas que la Slovaquie soit spécialement "visée" par le réalisateur (un peu comme Borat ne vise pas le Kazakhstan... je ne sais même pas si l’américain ou l’occidental moyen serait capable de situer précisément ces pays sur une carte ? moi le premier je l’avoue...), c’est peut être quand même bien un indicateur d’une partie de la mentalité américaine, qui, comme une réaction à ce qui est perçu comme une "agression" -à tort ou à raison-, serait égocentrique, s’ouvrant peu au monde, se repliant sur ses valeurs et considérant de ce fait tous "les étrangers" comme fondamentalement une menace hostile de laquelle, pour le moins, il faut se méfier... Et à ce niveau, tout ce qui est différent du standard occidental est considéré comme "étranger", pas seulement des pays du "bloc soviétique" ou du moyen orient... On peut d’ailleurs se demander si ce film donnerait la même chose si l’histoire de cette "maison de torture" se déroulait directement aux USA ? Probablement pas...

Évidemment, au delà des tortures elles mêmes et de cette perception de "l’inconnu étranger", ce film aborde aussi le pouvoir de l’argent, l’argent pour tout posséder, l’argent qui salit tout... on imagine bien que cette organisation mafieuse, Elite Hunting, serait tout à fait capable de fournir n’importe quoi à "chasser" contre des dollars ! le tout est simplement une question de prix ; les questions qui flottent en suspend restent dans l’esprit du spectateur durant et après le film : jusqu’où peut aller l’être humain pour de l’argent ? jusqu’où peut on aller dans l’exploitation et dans l’avilissement de l’homme par l’homme ?

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Dans la foulée, le thème latent est la confiance que l’on peut avoir en la nature humaine en général, dans toute la complexité de sa psychologie... Vous savez, un peu comme dans certains faits divers, où l’enquête de voisinage apprendra finalement que le gentil voisin, qui sortait ses poubelles et promenait tranquillement son chien, qui disait toujours un grand "Bonjour !" en souriant à tout le monde, et avec qui vous avez peut être pris un "joyeux apéritif merguez" le week end dernier, et bien, il découpait en réalité froidement ses victimes dans sa cave...

En dehors de tout ce qui précède, Hostel est un film d’horreur plutôt classique, et techniquement aucun reproche à faire... une mise en place progressive de l’atmosphère (même plutôt lente), Eli Roth choisissant de réaliser de manière tout à fait classique (trop sûrement à mon goût) la première partie s’attachant à la découverte des protagonistes et à la mise en place du piège, mais semblant se "réveiller" techniquement et artistiquement au niveau des scènes de tortures et d’horreur ; ce choix marque le contraste entre un quotidien occidental d’une certaine banalité puis une plongée brutale dans l’horreur bien gore dérangeante... Après Cabin fever, Hostel et Hostel 2, Eli Roth est un réalisateur à suivre dans le cinéma d’horreur de ces prochaines années, j’espère qu’il apportera encore plus de maturité dans ses futurs films en évitant tous les pièges de la facilité qui pourront lui être tendus.

Les acteurs sont tout ce qu’il y a de plus convaincants : depuis les "appâts" féminins, les mafieux slovaques, en passant par les "Monsieur tout le monde bon père de famille" se transformant en tortionnaires avec leurs panoplies ressemblant à une sorte de tenue de boucher professionnel (l’acteur qui joue l’homme d’affaire néerlandais gay refoulé est excellent), ou bien sûr les victimes de cette barbarie Oli, Josh et surtout Paxton, très convaincant, tantôt en victime tantôt en vengeur acharné...

Les décors de cette usine désaffectée ainsi que son éclairage sont très étudiés et remarquables : c’est sale (même dégueulasse franchement), glauque, oppressant... on s’y croirait ! La bande son colle également bien au film, elle est même plutôt soignée, notamment les différents bruitages qui renforcent l’ambiance angoissante...

C’est plutôt bizarre que les films montrant des scènes de torture se soient multipliés dans les années 2000 comme un "phénomène de société", toute la saga des Saw, Hostel 2, Frontière, Calvaire, Sheitan, j’en passe ; Au niveau du scénario, Hostel est plus réaliste qu’un film comme Saw par exemple, et c’est sûrement dans ce réalisme poussé qu’il fait beaucoup plus froid dans le dos. Hostel, avec son scénario insolite, amenait obligatoirement de la violence, certains diront qu’il est tombé dans la facilité de la violence gratuite, et que montrer l’horreur de manière si crue n’était pas obligatoire... mais c’est un choix scénaristique et Eli Roth voulait visiblement réaliser une plongée dans l’horreur, je dirai même qu’il a un don incontestable pour ça ! Mais si on arrive à se détacher un peu de la violence du premier degré et à prendre du recul, ce film d’horreur n’est pas si idiot que ça. Arriver à aborder dans un même film, la folie, le pouvoir de l’argent, les rapports de possession, le rapport à "l’étranger" et même d’une certaine façon l’inégalité de répartition des richesses, le tout avec un budget plutôt moyen, c’est une vraie petite prouesse... Je ne sais pas trop si ce film est incontournable mais en tous cas il ne vous laissera sûrement pas indifférent !

Ames sensibles s’abstenir.

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—pour l’anecdote, en clin d’oeil à Quentin Tarentino qui est producteur du film, une scène de Pulp Fiction doublé en slovaque apparait dans le film.

— si vous avez en projet de partir en vacances en Slovaquie, éviter de voir ce film avant ! vous risquez de psychoser dès qu’une jolie fille vous sourira... avouez que ça serait dommage ! ;-) Par contre, si elle vous propose de voir une "galerie d’art", là faut s’inquiéter... ;-)



Commentaires  (fermé)

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dimanche 15 août 2010 à 19h14, par  Joe Black

MAis aucun probleme ! Vous avez même le droit de ne pas aimer Cronenberg... ;-)
J’avais bien compris que vous évoquiez par là surtout le coté "rébarbatif" du film... c’est pour ça que j’évoquais également David Lynch... je ne néglige pas ce réalisateur non plus mais le problème c’est simplement que je ne comprends pas ses films ! ;-) et de ce point de vue, je pense que faire un petit effort "d’accessibilité" ne serait pas du luxe (alors que Cronenberg, ça va encore je comprends ! ;-)) ;
Evidement avec Hostel on n’est pas ni dans Cronenberg, ni dans Lynch...

samedi 14 août 2010 à 22h38

Il faut que je dissipe un malentendu : dans mon esprit, comparer un cinéaste à David Cronenberg serait plutôt un compliment. Il est vrai que ce cinéaste fait souvent dans le psychologique ou l’expérimental, délaissant l’horreur de sa première période, ce qui a donné lieu à des films parfois pompant, sinon pompeux... Mais ce serait dommage de passer à côté de Dead zone (1983), classique du film fantastique, de La mouche (1986) qui reste pour moi un sommet du cinéma d’horreur, ou d’ExistenZ (1999), à ma connaissance le meilleur film à ce jour sur la réalité virtuelle. Et dans le genre polar, Les promesses de l’ombre (2007) valent le détour.

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dimanche 1er août 2010 à 12h49, par  Joe Black

Bonjour,

merci pour ce retour... ;-) je dirais que vous mettez le doigt un peu sur les 2 points qui m’ont le plus déplu dans ce film et qui en réalité peuvent être regroupés en 1 : cette mise en scène classique du début (jusque la moitié à peu près), aucune originalité, des longueurs inutiles, tout ça simplement pour servir de contraste avec la 2ème partie... alors que simplement par des astuces de montage ou une légère réécriture du scénario on aurait pu obtenir quelque chose d’autant contrasté mais plus intelligent et dynamique (je vous rassure sans pour autant tomber dans du Cronenberg ou -encore pire pour moi- du Lynch), et si Eli Roth avait mis autant de soins à filmer la première partie qu’il en a mis à filmer la plongée dans l’horreur de la 2nd, là le film aurait vraiment mieux tiré parti de toute cette atmosphère ! c’est pour ça un petit peu que je dis dans l’article que j’espère qu’il apportera plus de maturité dans ses futurs films (et qu’il évitera surtout les pièges de la facilité en ne suivant pas une pente "tarentinesque"...), sans pour autant tomber dans le pompeux (enfin espérons le).

Logo de Sylvain Fontaine
samedi 31 juillet 2010 à 17h14, par  Sylvain Fontaine

Félicitations pour cette chronique qui rend fidèlement compte du film, et j’appuie l’idée que Hostel tire moins sa force du gore que de la mise en scène d’un monde corrompu et désespéré. J’ajouterai 2 choses :

- Hostel est très glamour dans sa première partie. On dirait un clip de R n’ B : les personnages sont beaux, bien habillés, ils font langoureusement l’amour dans des lumières somptueuses. La suite sera d’autant plus rude... Ce côté glamour de la première partie amoindrit quand même l’idée que Hostel serait une méditation saignante sur l’exploitation sexuel et le règne de l’argent, car le film ne m’a pas semblé établir une continuité entre la joyeuse débauche néerlandaise et l’horreur slovaque. Il y a là juste un procédé classique du film d’horreur : on baise autant qu’on peut avant que le tueur n’arrive.

- Hostel n’est donc pas un film intello issu du cerveau d’un nouveau David Cronenberg, ce que pourrait laisser penser la chronique. C’est un film d’horreur efficace et soigné, qui joue sur quelques hantises du moment. On est quand même, à mon avis, un cran en-dessous de par exemple 28 jours plus tard ou de La mouche.

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