Brazil
Dans un monde où règne une bureaucratie totalitaire, un grain de sable (en l’occurence un insecte, pour être précis) va provoquer une erreur administrative qui va causer l’arrestation et la mort d’un homme innocent. Sam Lowry, un bureaucrate anonyme et sans ambition (il va même jusqu’à refuser les promotions que sa riche mère lui obtient !), va tenter de réparer cette erreur. Mais l’idéalisme de cet homme poursuivi par des rêves dans lesquels il lutte tel un véritable super-héros pour libérer la femme de sa vie, va peu à peu faire de lui l’ennemi public numéro 1...
Dès les premières images - et surtout les premières notes de musique -, le ton est donné : le thème "Brazil" d’Ary Barroso (brésilien), joyeux et d’inspiration sud-américaine, introduit un formidable décalage avec les décors sombres, froids et impersonnels de l’univers imaginé par Terry Gilliam.
Les Monty Pythons ne sont pas loin, puisque Le Sens de la Vie était sorti à peine 3 ans avant... et on retrouve dans Brazil de nombreux éléments que le joyeuse troupe n’aurait sans doute pas renié. Des scènes comme celle de la chirurgie esthétique de la mère de Sam, de l’explosion des combinaisons ou du système de communications par pneumatique, le design de la voiture du héros : pas de doute, on est bien là, dans l’univers absurde, le fameux "non sense" cher aux créateurs de Sacré Graal et de La Vie de Brian, comme en témoigne la présence dans le casting de Michael Palin !
Mais dans Brazil, le "non sense" n’est pas gratuit et a, justement, un sens ! C’est là qu’on peut citer quelques unes des nombreuses références que contient le film : Kafka et son procès pour le côté absurde, 1984 d’Orwell pour la dénonciation du totalitarisme, Metropolis pour les décors qu’on pourrait qualifier aujourd’hui d’influence "steampunk" (mêlant des technologies dépassées à l’informatique) ... pour ne citer que celles du domaine de la SF et de l’anticipation (sinon il faudrait citer notamment Don Quichotte, véritable obsession de Terry Gilliam).
Certes, le propos de Terry Gilliam est plus léger, plus subtil que celui d’Orwell, mais il n’en est pas moins terrifiant. Alors que 1984 nous décrivait une société directement inspirée du régime soviétique, Gilliam ne joue pas sur le terrain politique. La société qu’il nous dépeint dans Brazil est d’ailleurs, par de nombreux aspects, plus proches de nos sociétés libérales ! Mais ce qui caractérise l’absurdité de ce système, c’est avant tout sa bureaucratie. Il ne semble pas y avoir dans Brazil de véritable dictateur et aucun personnage ne ressort véritablement comme un "méchant" au sens habituel du terme, même si la fin du film suggère le recours à la torture... Tous les personnages semblent plus ou moins animés de bonnes intentions. Ce qui est à craindre, dans Brazil, ce n’est pas le pouvoir politique, c’est tout simplement la bêtise humaine, amplifiée par l’obéissance aveugle à l’autorité et à des procédures bureaucratiques absurdes !
Mais ce qui rend Brazil si particulier, ce sont également ses décors. Foisonnant de détails incongrus, parfois grandioses, parfois impressionnants, ils contribuent à créer une atmosphère réellement unique, avec en outre des séquences oniriques parfois surprenantes, le tout servi par des effets spéciaux particulièrement réussis pour l’époque.
Vous l’aurez compris à la lecture de ce qui précède : une bonne bande son, un scénario en béton avec un véritable "fond", des décors fascinants et des effets spéciaux impressionnants... si on ajoute à cela des acteurs remarquables (avec un Robert de Niro étonnant dans un rôle de plombier rappelant par moment un certain Super Mario, mais aussi bien entendu Jonathan Pryce, véritable acteur fétiche de Terry Gilliam et Ian Holm), on frôle la perfection. Attention quand même : il existe différentes versions du film, et la version "hollywoodienne" voulue par Universal avec happy end de rigueur est quand même moins forte que la version européenne, qui finit beaucoup moins bien ...