Monsters
Le nord du Mexique est envahi de poulpeux extra-terrestres et mis sous quarantaine. Un mur est construit par les USA pour défendre sa frontière, les populations locales sont victimes des raides aériens avec gaz, bombes censées lutter contre l’envahisseur... Un photographe, venu chercher "la photo" qui fera la une et sa fortune, est obligé de faire traverser la zone interdite à la fille du patron du journal qui l’emploie. Ils réussisent et tombent amoureux l’un de l’autre...
Monsters, tel qu’il nous est "vendu" se veut dans la lignée des films originaux qui revisitent le thème des envahisseurs extra-terrestres, dont la tête de file est District 9 sorti en 2009, film réussi.
Ce qui ne me semble pas le cas pour Monsters, qui malgré quelques qualités esthétiques, une lenteur assez agréable et une bonne volonté de départ, comporte trop de défauts narratifs pour devenir un film de référence, une oeuvre qui vous bouleverse, remets véritablement en cause notre vision de "l’autre".
Commençons par les qualités du film ! Il nous évite les poursuites infernales, le combat habituel entre deux civilisations. Le film n’est pas à suspens, à part deux, trois scènes, il joue plus sur le couple naissant du photographe et de la fille de riches. L’espèce E.T. est en réalité pacifique, ne cherchant qu’à vivre, ne devenant violente que sous les attaques armées, perprétrées non par les mexicains résidents mais par les USA. Les scènes dans leur ton rappellent ouvertement les guerres en Irak, Afghanistan.
La fin du film me semble assez réussi, très bien filmée, nette et franche, et c’est important ! Le couple, de retour aux USA se retrouve dans le no man’s land, après le mur de protection. Il trouve refuge dans une station service éclairée, où deux êtres poulpeux se retrouvent pour une spectaculaire parade amoureuse...
Techniquement tout est bien fait. Toutefois, je suis désappointé par le film, qui dans sa structure relève de clichés non travaillés, d’une paresse narrative à peine croyable pour un film soi-disant ambitieux artistiquement ! Encore une fois, le soin apporté à l’histoire elle-même est faible, au profit d’une confiance aveugle "dans l’image", qui devrait donc suffire en elle-même à créer un film...
Contrairement à District 9, qui part d’une idée que personnellement je n’avais jamais vu au cinéma, Monsters relève simplement de vagues intentions au départ, c’est très sensible au visionnage.
Dans District 9, l’arrivée d’un vaisseau usine, avec des dizaines de milliers d’ouvriers, sans plan d’action, sans raison, sans volonté d’envahissement, pose une situation inédite ! Un bidon-ville se forme, qu’il faut bien gérer... Surtout, le film ne se veut pas moraliste, il montre les comportements de chacun, malgré le parallèle avec le régime d’appartheid de l’Afrique du Sud où se déroule le film.
Dans Monsters, nous avons bien compris que la guerre contre des extra-terrestres pacifiques n’est pas bien... D’ailleurs, les guerres en Irak non plus. Nous aurons pu également constater que les Mexicains sont un peuple accueillant, constitué de gens normaux, au cas où l’on en aurait douté... Les dialogues sont bien trop souvent envahis de moralisation à outrance, qui n’amène rien aux personnages, à l’intrigue.
Surtout, le film est dégradé par ce que j’appelle de "la fausse narration", que l’on retrouve à bon compte dans tous les mauvais films, téléfilms, voir romans ! Je m’explique à travers quatre exemples frappants.
Premier exemple, la morale d’une photo, sujet intéressant et très intellectuel, revient dans les conversations au début du film, entre le photographe et la fille de son employeur. Il cherche "la photo" de une, sanguinolente, d’une petite fille morte plutôt que vivante, puisque c’est cela que le journal paie cher pour mettre en première page...
Et enfin, quand le photographe trouve "la petite fille, morte" par les gaz de combat, il ne photographie pas, il la recouvre d’un vêtement... Son sens moral l’emporte... Mais pas le film ! Un personnage normalement constitué aurait pris la photo, bien sûr ! Il souffre, il risque la mort, il accompagne cette fille, forcé par son employeur, mais renonce à 50 000 dollars sans peine !
C’est à partir de l’acte fait que peut se dérouler le conflit moral, même si au final il change d’avis, que la photo ne soit pas publiée. En prônant le renoncement, l’histoire se meurt, littéralement. Le vrai conflit entre ces deux êtres formant un couple n’aura pas lieu, la crainte sans doute de devoir remettre en cause la fin heureuse... La moralité n’est décidement pas la morale !
Deuxième exemple, au moment de quitter le Mexique, d’embarquer sur le ferry qui les ramènera sain et sauf, le photographe perd son passeport de la jeune femme, volé bien sûr par une prostituée mexicaine avec qui il a eu des relations après une nuit à boire téquila sur téquila...
Il est trop tard pour prendre un autre bateau. S’en suit logiquement une douloureuse scène où la jeune femme cède sa bague de fiançailles à 20 000 dollars pour payer un passage par la zne interdite et rejoindre les USA, avec une escorte armée.
Logiquement ? Mais l’idée même est absurde ! A quoi bon traverser une zone aussi dangereuse, alors qu’il suffit pour ce riche patron de presse d’envoyer un bateau, un avion, un hélicoptère pour venir récupérer sa fille, surtout que le téléphone fonctionne parfaitement ? Purquoi sa fille ne lui demande pas son aide ?
Certes, il n’y aurait plus de film, me direz-vous ! Et bien oui, c’est bien la raison qui rend la narration illogique. Lorsqu’on met en scène des personnages, il faut en assumer les conséquences, leur donner un raisonnement, un comportement logique, y compris d’ailleurs pour des déficients mentaux, des animaux, un robot, etc...
Troisième exemple, qui précède le second d’ailleurs. Nous avons droit, puisque le couple doit attendre une nuit le départ du ferry au petit matin, à leur virée dans le quartier populaire, à la fête "à la mexicaine", aux tequilas, aux éclats de rire. Dieu merci, je n’ai pas vu de sombreros... C’est tout à fait le genre de scène inutile, absurde même, cliché absolu, où il ne se passe rien, sinon la main du photographe sur l’épaule de la jeune femme pour bien signifier qu’une idylle est naissante... C’est d’un manque de créativité pour un film SF qui rend vraiment la vision du film pénible à ce moment, même si je comprends bien l’intention du réalisateur d’une certaine "banalité", contrastant avec la stupeur provoquée par ces poulpeux E.T..
Quatrième et dernier exemple d’une narration absurde, sans logique. Lors de la remontée au Nord, vers ce fameux mur entre le Mexique envahi et les USA, le couple est accompagné d’une escorte armée de quelques hommes, pas tant d’ailleurs pour les protéger "des monstres", mais plus des attaques de gaz lâchés par les avions, ce qui est assez bien vu, assez ironique. Le souci est qu’au cours d’une conversation autour du feu, les mexicains raconte le mode de vie pacifique des dits "monstres", qu’il suffit de les laisser en paix pour qu’ils n’attaquent jamais les humains. Et voilà qu’en fuyant une attaque de gaz en voitures, ils tombent nez à nez avec un E.T. et ne trouvent rien de mieux que de lui tirer dessus à la mitraillette ! Ce qui sera fâcheux pour eux. Seul le couple survivra, ils seront tous tués.
Alors pourquoi un tel comportement aberrant ? Mais Mesdames et Messieurs, uniquement pour le confort personnel du scénariste, il n’y a aucune autre raison d’un scénario si mal ficelé au niveau du comportement de personnages... Vous me direz, pourquoi bon ces braves hommes devaient-ils mourir ? Mais pour que tout simplement le couple amoureux se retrouve seul, perdu dans cette jungle, qu’il finisse leur périple initiatique sans être encombré d’autres personnages !
Je ne conteste pas cette logique du couple solitaire. Mais alors, il fallait que cette escorte armée, très logique encore une fois dans ces circonstances, quitte le film d’une manière cohérente. Mais pour cela il fallait bien sûr travailler le scénario... Rendre stupides ces hommes courageux, qui gagnent leur vie en aidant des gens à traverser la zone interdite, abaisse le film au rang de "navet", de mauvais films d’action, où l’on ne s’encombre pas de subtilités de scénario, sans par ailleurs que le plaisir du visionnage n’en soit parfois diminué ! Mais voilà, Monsters n’est pas un film d’action mais d’atmosphère. C’est d’autant plus incompréhensible de subir comme spectateur de telles faiblesses évidentes de narration...
Je passerai sur le temple aztèque présent dans le film à dix kilomètres de la frontière avec les USA, autre incohérence...
Encore une fois, pour un film qui se présente avec un grand souci d’une véracité de récit, de refus d’un film de monstres classique, de telles erreurs narratives ne pardonnent pas. Monsters est au fil du temps rongé de l’intérieur par les absurdités scénaristiques. Le film n’est pas désagréable, comme l’on dit, mais oscille sans cesse entre le refus du film "grand public" et une volonté de faire "intelligent" mais sans en avoir les moyens intellectuels...
Surtout, pourquoi donc opposer grand public et intelligence ? C’est sans doute ce qui est le plus déplaisant dans ce film...
Revoyez donc district 9, découvrez-le si vous l’avez raté !
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