District 9
Peter Jackson, bien avant sa trilogie de l’Anneau, est un réalisateur connu des cinéphiles pour son délirant et audacieux (et très gore) film « Bad Taste » (1987). On le retrouve cette année dans le rôle du producteur exécutif d’un film de Science-Fiction lui aussi inclassable et très nerveux : District 9 du jeune réalisateur sud-africain Neill Blomkamp.
District 9 débute « les hostilités » dès les trente premières secondes du film avec un gros plan sur le vaisseau-mère et ses passagers. D’ailleurs « un témoin » de l’histoire précisera en guise d’introduction que lorsque le vaisseau est apparu dans le ciel il y a environ 30 ans pour se placer au dessus de la ville de Johannesburg (et pas Washington comme régulièrement « annoncé » dans tout bon film de Science-Fiction) aucune petite musique ne s’est fait entendre (clin d’oeil au film de Steven Spielberg : chantez tous avec moi « A-gla, A-gla-é », pardon je voulais dire "Rencontres du 3ème type").
Le spectateur est prévenu : District 9 est différent. Mais est-ce vraiment un film de Science-Fiction ?
Depuis 30 ans, un gigantesque vaisseau stationne au dessus de la ville de Johannesburg (1). Après y avoir découvert un petit groupe d’extraterrestres déshydratés, voir agonisants, terrés au fond du vaisseau, les grandes nations, ne sachant que faire de ces créatures difficilement gérables en société (!), décident de regrouper ces réfugiés stellaires dans un quartier du sud de la ville : le District 9. Une société privée est chargée de s’occuper des extraterrestres : le MNU. Bien décidé à comprendre puis exploiter le fonctionnement des armes sophistiquées des créatures, le MNU se livre à diverses expériences sur cette nouvelle population.
Peu à peu les tensions grandissent entre les deux espèces. Le District 9 sombre de plus en plus dans la violence, en particulier depuis qu’un gang de Nigérians règne sur le camp des réfugiés et gère le trafic d’une nouvelle drogue prisée par les Extraterrestres : la pâtée pour chat ! Les E.T. deviennent incontrôlables et se reproduisent de plus en plus. Wikus Van Der Merwe, le gendre d’un haut responsable du MNU est chargé de transférer les réfugiés dans un nouveau camp, loin de la ville. Raciste, plus bête que méchant, il commence l’expulsion des réfugiés, filmé par les caméras du monde entier et protégé par les soldats du MNU. Dans un labo clandestin Wikus découvre un liquide mystérieux. Par mégarde il le renverse sur lui…
District 9 est un film de SF différent dans sa réalisation et dans les thèmes évoqués. Le spectateur est « ballotté » constamment entre l’univers de la Science-Fiction et du documentaire. Le style nerveux de la réalisation (alternance entre reportages télévisées, caméra à la main, prise de vue de caméra de sécurité, témoignages…) maintient le rythme dès les premières images. C’est un récit haletant et très original. La vision de la banlieue de Johannesburg (rare dans un film de SF) est un choc visuel permanent : paysages urbains à l’abandon, aridité du sol recouvert d’immondices, atmosphère saturée de poussière crasse, voir polluée. L’horizon semble ici indéfinissable. Les baraquements des E.T. donnent une vision de fin du monde violente et imminente.
La représentation physique des créatures habilement mêlée aux SPFX numériques renforce le réalisme d’une telle possibilité : des réfugiés stellaires dont les autorités humaines ne savent que faire sinon les parquer dans un camp « humanitaire », un comble pour des Extraterrestres !
La tension est permanente dans District 9. La violence est omniprésente et le District est prêt à basculer dans la guerre urbaine. Les E.T., surnommés par les humains, « crevettes », sorte de mélange entre une mouche (d’ailleurs le film est aussi un bel hommage à La Mouche de David Cronenberg) et l’espèce des crustacés, sont très réalistes dans leur comportement : individualisme, intelligence, mais à la fois violence et solidarité dans l’adversité et inspirent, comme les humains toutes sortes d’émotions aux spectateurs.
C’est une course contre la montre pour l’antihéros Wikus, personnage peu sympathique au départ, que le réalisateur réussit pourtant à rendre attachant à cause du terrible destin qui l’attend… Le contexte géopolitique, le réalisme des décors, la fluidité des créatures, le rythme nerveux et le ton corrosif de District 9 fait du premier film de Neill Blomkamp un OVNI cinématographique, très influencé par la personnalité atypique d’un Peter Jackson rappelant sa grande époque, celle de « Bad Taste ».
Un film à voir très vite pour les plus blasés !
(1) C’est la propulsion MHD : la magnéthydrodynamique. A lire « Les OVNIS et La Défense », COMETA - 1999
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