Et Quand Je Vous Fais ça, Vous Sentez Quelque Chose ?
Deux cent pages et seize nouvelles... ça donne une idée ce qui vous attend : des récits très courts, condensés et sans temps mort, avec un humour - parfois un peu noir - qu’on retrouve soit dans le texte, soit à la fin au moment de la "chute", soit les deux ! Mais ce sont aussi des récits qui n’ont pas pris une ride, un peu dans l’esprit de la fameuse série La Quatrième Dimension. Parce qu’au delà de la SF, Sheckley traite d’un thème éternel, celui de la nature de l’homme ... ou de la femme ! Une nature qui ne change pas, que ce soit dans l’espace, face à un extra-terrestre ou face à un robot ...Comme le dit Sheckley à la fin de la nouvelle qui a donné son nom à ce recueil : "Il aurait dû savoir que cela n’aurait fait aucune différence s’il avait été une sphère de plastique vert, un saule pleureur, ou un beau jeune homme".
Autant les romans de Sheckley sont pour lui l’occasion d’adopter un style souvent déjanté (ce qui fait de lui le précurseur de bon nombre de romans, séries et films parodiques), autant ses nouvelles sont souvent plus classiques ... du moins sur la forme. Quant à leur signification, au lecteur de la trouver !
Certaines de ces nouvelles sont assez cruelles, comme les premières de ce recueil. Femmes (Et Quand je Vous Fais ça ...) , hommes (Au Royaume des carottes les Oignon sont Rois, Le Monde Pétrifié)... personne n’est épargné.
D’autres nous font davantage réfléchir. C’est le cas de Cruelles Equations (avec une intrigue digne d’Asimov et qui pourrait d’ailleurs avoir sa place parmi les nouvelles de l’inventeur des 3 Lois de la robotique), puiqu’il s’agit pour le héros qui a oublié le mot de passe de convaincre un robot de le laisser entrer au mépris de sa programmation... C’est également le cas de La Même Chose Pour Toi, En Double : que feriez-vous si on vous proposait de réaliser un voeu, sachant que ce voeu satisferait doublement votre pire ennemi... ?
Mais chassez le naturel de Sheckley - l’humour - et il revient au galop ! Et ce recueil de nouvelles se finit en feu d’artifices avec des nouvelles (certaines de 3 ou 4 pages) qui prennent le lecteur par surprise, à rebrousse-poil, à rebrousse-imagination, à rebrousse-logique, à rebrousse perspective, entre exercice de style (Le Pas de trois du Chef, du Garçon et du Client) et exercice d’idées, qu’il s’agisse d’un héros de l’exploration de l’espace, un peu blasé et qui meurt d’ennui sur une planète qui ressemble trop à la Terre, d’extra-terrestres qui s’adonnent à la drogue et deviennent humains le temps d’un "trip", de voyageurs du temps chargés de réguler de manière plutôt radicale les problèmes de surpopulation de notre planète...
Aucune des idées de Sheckley n’est innocente, gratuite. Mais il ne donne jamais de leçon, ne founit aucune morale. A chacun de ses lecteurs de se faire sa propre opinion. Sheckley, dans chacune de ses nouvelles, fait le pari de l’intelligence... en espérant que se lecteurs le relèveront !
Commentaires (fermé)