Demolition Man
Autant pour Judge Dredd, on pouvait se demander si le comique de certaines scènes était totalement voulu ... autant il n’y a aucun doute pour ce qui concerne Demolition Man. Action et humour sont parfaitement dosés, avec trois acteurs parfaitement à l’aise dans leurs rôles respectifs : le gentil costaud un peu bourrin pour Stallone, le méchant costaud, pervers mais non dénué d’humour, pour Westley Snipes et la nunuche de service pour Sandra Bullock.
Le scénario est le suivant : John Spartan (Sylvester Stallone) est un flic surnommé "Demolition Man" du fait de sa réputation en matière de dommages collatéraux. Simon Phoenix (Westley Snipes) est un dangereux psychopathe. Et lorsque Phoenix, poursuivi par Spartan, cause la mort d’une trentaine d’otages, ce dernier se retrouve accusé de meurtre, et condamné à passer 70 ans en hibernation par cryogénie, de même que Phoenix. Entretemps, leur cerveau est censé être reprogrammé pour faciliter leur réinsertion dans la société. Le temps passe ... et la société évolue, et devient totalement non-violente. Mais Phoenix est réveillé plus tôt que prévu... et face à ce loup du passé laché au milieu de ceux qui sont devenus des agneaux, les autorités n’ont d’autre recours que de réveiller John Spartan le démolisseur...
A cette idée de départ plutôt séduisante, les scénaristes ont ajouté de nombreuses idées, parfois amusantes, parfois brillantes, parfois presque loufoques... mais toujours parfaitement intégrées à l’intrigue, et jamais de manière gratuite.
Ainsi, Wesley Snipes (qui en fait n’a pas été réveillé par erreur ...) a bénéficié d’une reprogrammation qui fait de lui un maître des arts martiaux (sans parler des implants bioniques qu’il a reçus) alors que Stallone se retrouve doté de dons de ... couturier !
Le personnage de Sandra Bullock est une nostalgique de la fin du XXème siècle, ce qui est l’occasion de faire de nombreux clins d’oeil à notre époque. C’est ainsi qu’on découvre que Schwarzenegger a été président des Etats Unis (il n’était pas encore dans la politique en 1993)...
Il y a eu une "guerre des chaînes de restauration", dont Pizza Hut est sorti vainqueur. Résultat : il n’y a plus que des Pizza Hut sur toute la planète ! Si ça ce n’est pas une vision de cauchemar digne de la meilleure SF, je ne sais pas ce qu’il vous faut...
Sans oublier les fameux trois coquillages, dont on ne saura probablement jamais, hélas, comment ils fonctionnent ...
Mais surtout... surtout... ce que j’apprécie le plus dans Demolition Man, c’est la critique de notre société d’aujourd’hui. Une critique de la violence de notre société, certes ... mais pas uniquement. Car si, comme moi, vous en avez plus qu’assez des interdictions de fumer, de boire, de rouler un peu plus vite que le plouc moyen ... si vous en avez assez qu’on vous conseille à longueur de journée de manger-bouger, de manger au moins 5 fruits et légumes par jour, de limiter le sel, de limiter le sucre, de faire attention à la marche en descendant du train, de sortir couvert ... si vous en avez ras-le-bol du casque et de la ceinture obligatoires... si vous êtes capable de vous énerver, de jurer, d’insulter votre prochain sans vous précipiter ensuite chez le premier psy venu pour qu’il rectifie d’urgence votre comportement ... alors, en vérité je vous le dis, vous allez vous régaler avec Demolition Man !
Car la société futuriste, ce "meilleur des mondes" dans lequel évolue notre démolisseur est encore plus aseptisée et "couillemollisée" que la notre, ce qui n’est pas peu dire ! Car même la caféïne, la nourriture épicée et le chocolat sont interdits, au même titre que les jouets non éducatifs ou encore l’accouchement ... sans parler des baisers et de l’acte sexuel ! C’est donc un véritable plaisir de voir Stallone enfreindre (gentiment) les différentes lois et les différents interdits de l’époque, de le voir accumuler les "infractions au code de moralité du langage" ! Et ce n’est pas un hasard si finalement Stallone finit par se ranger aux côté des rebelles réfugiés dans les souterrains de cette si belle cité ...
En résumé, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce film d’action survitaminé dissimule en réalité un propos profondément subversif, tres "politiquement incorrect", qui tranche avec la production hollywoodienne classique. Et la présence de Stallone, de Snipes et de Bullock au générique ne change rien à cela, n’en déplaise à nos intellectuels bien-pensant du cinéma français !
LA référence du film, c’est clairement Le Meilleur des Mondes, comme en témoigne le nom du personnage de Sandra Bullock : Lenina Huxley ... Lenina étant le prénom d’un des personnages du célèbre roman de Huxley ! Belle référence, pour un film de bourrins ...