La Nuit Des Morts-Vivants (Night Of The Living Dead)
Avant, il y avait les films de la Hammer, inspirés de la littérature fantastique classique (Poe, Lovecraft, Bram Stoker, Mary Shelley), de grands mythes tels que ceux de Dracula et Frankenstein ou de la Momie. Avant, il y avait de superbes décors embrumés, des manoirs luxueux et des acteurs célèbres, spécialistes du genre, à l’accent très "british". Et puis, d’un coup, arriva La Nuit des Morts Vivants...
Comme chaque année, Barbara et Johnny se rendent sur la tombe de leur père. Alors qu’il s’apprêtent à quitter le cimetière, Barbara est agressée par un homme étrange. Johnny tente de lui venir en aide, mais est mis KO. Barbara s’enfuit, poursuivie par son agresseur. Elle trouve refuge dans une maison isolée, dans laquelle se trouve un jeune homme qui a lui aussi été attaqué. Ils se barricadent et apprennent à la radio la terrible vérité : partout aux Etats Unis, les morts reviennent à la vie et attaquent les vivants...
Comment réussir un film d’horreur lorsqu’on a en poche un budget de 114 000 dollars ? En tournant le film en noir et blanc, caméra à l’épaule, avec des acteurs inconnus et des effets spéciaux limités au strict minimum (maquillages).
Paradoxalement, ce sont ces choix économiques qui vont se traduire sur le plan artistique par une approche nouvelle qui va surprendre, choquer, voire traumatiser bon nombre de spectateurs de l’époque ! De ce point de vue là, La Nuit Des Morts Vivants est l’ancètre de Rec. et de tous ces films qui ont redécouvert récemment (de manière hélas souvent un peu abusive) l’usage de la caméra à l’épaule. George Romero joue à fond la carte du réalisme, à la limite du documentaire... et ça fonctionne ! Des plans serrés, mal cadrés, parfois à ras de terre, qui semblent réalisés dans l’urgence comme pour mieux coller à l’action... on n’a même pas le temps de voir si les maquillages sont réussis ou pas ! Cela dit, on ne se pose pas la question car on est rapidement pris par l’action.
Le scénario,vu avec quarante années de recul, peut sembler plutôt basique, mais il ne l’était pas à l’époque. Il évite notamment la plupart des clichés du genre : ses héros ne sont ni des scientifiques ni des militaires, l’invasion des zombies ne fait pas référence à la menace communiste et aucune histoire d’amour ne se noue entre Barbara et Ben ! Par ailleurs, ses morts-vivants n’ont rien à voir avec les zombies du culte vaudou. Leur origine se trouve (on l’apprend dans la 2ème partie du film) dans l’espace, la NASA ayant décidé de faire exploser un satellite ayant reçu d’étranges radiations... Mais la grande trouvaille de Romero, ce sont les caractéristiques qu’il prête à ses morts vivants : lents dans leurs mouvements, faibles, c’est avant tout leur nombre qui fait leur force, allié au fait qu’ils ne ressentent pas la douleur et sont difficiles à tuer (on voit à plusieurs reprises des morts-vivants touchés par des balles tituber et reprendre leur marche en avant). En revanche, à l’image des animaux, ils craignent le feu ... et surtout, ils se nourissent de chair humaine et leur état est contagieux : une seule morsure suffit à transformer un humain en zombie !
Ce sont d’ailleurs les scènes de cannibalisme qui ont le plus marqué les esprits à l’époque. Mais il faut avouer que les scènes qu’on pourrait qualifier de "gore" sont assez rares (et donc d’autant plus efficaces, soit dit en passant). Car juste après la première scène avec le premier zombie, le film se transforme en un long huis-clos entre Barbara, Ben et deux autres couples qui s’étaient jusque là dissimulés dans la cave de la maison. Romero se concentre alors sur la psychologie des 6 personnages (7 en fait, avec la jeune fille blessée). A ce stade, le film aurait pu devenir verbeux et ennuyeux... mais Romero a une idée de génie (qui lui permet en outre de limiter les coûts de production !) : alors que Ben barricade la maison, que la tension monte entre lui et un des deux autres hommes, Harry Cooper, la radio diffuse en fond sonore des informations sur l’invasion des morts vivants. Il fait ainsi appel à l’imagination des spectateurs et les plonge peu à peu dans l’horreur en révélant aux personnages que les morts vivants sont partout et qu’ils se nourrisent de chair humaine...
Il a souvent été dit que Romero avait voulu faire passer un message dans son film, notamment contre le racisme, en soulignant son choix d’un acteur noir pour le rôle de Ben. Certes, les films mettant en valeur un noir n’étaient pas chose courante en 1968, mais il y en avait déjà. Le héros de Le Monde, La Chair et Le Diable, sorti en 1959, était interprèté par Harry Belafonte. Et ce film était clairement inspiré du roman de Richard Matheson Je Suis Une Légende... dont George Romero a déclaré s’être inspiré pour La Nuit des Morts Vivants ! Il ne faut peut être pas aller chercher plus loin la raison de son choix de Duane Jones pour le rôle de Ben, que Romero lui-même explique par ses talents d’acteur. Seule la fin peut être considérée comme un message politique, avec la mort de Ben,abattu par la milice chargée d’éliminer les morts-vivants, comme s’ils étaient incapables de faire la différence entre un noir et zombie...
Toutefois, il faut reconnaître qu’en nous montrant un personnage noir courageux et meneur d’hommes s’opposant à un personnage blanc timoré et mesquin, Romero allait à l’encontre des conventions de l’épqoue et faisait lui-même preuve d’un certain courage.
Pour toutes ces raisons - et sans doute d’autres encore - La Nuit Des Morts Vivants a marqué l’histoire du cinéma. Pas seulement en s’imposant comme un des films les plus rentables de tous les temps, mais aussi en définissant les contours du film d’horreur moderne, tel que nous les connaissons aujourd’hui et en ouvrant la porte par laquelle se sont ensuite engouffrés Tobe Hooper, Wes Craven et Sam Raimi, notamment ...
Commander le DVD ou le Blu-Ray sur Amazon et soutenir les Mondes Etranges !
On a vu bien pire comme zombies depuis... certains des morts vivants du film sont même moins inquiétants que certaines personnes qu’on peut croiser dans le métro parisien ! Mais ça n’empêche pas le film de fonctionner...