Le Livre d’Eli (The Book Of Eli)
Les films post-apocalyptiques semblent à la mode ces derniers temps, avec notamment Je Suis Une Légende et surtout La Route, sorti presque en même temps que Le Livre d’Eli et qui partage avec lui un certain nombre de points communs : d’impressionnants décors (plus réalistes pour La Route, plus impressionnants pour le Livre d’Eli, à l’image de ce panorama sur San Francisco vue d’Alcatraz à la fin du film), une vision pessimiste de l’humanité et une préoccupation religieuse sous-jacente... un thème qui a le don d’hérisser le poil de certains (surtout lorsqu’il s’agit de films américains, curieusement) !
Il y a 30 ans, une guerre a éclaté, éliminant la majeure partie de la population, trouant la couche d’ozone, transformant les Etats Unis (on ne sait pas ce que le reste de la planète est devenu...) en une vaste étendue désertique.
Depuis 30 ans, un homme marche vers l’ouest, persuadé qu’il a une mission, éliminant tous ceux qui se mettent sur sa route tel un ange exterminateur. Couteau, armes à feu, arc et flèches, il semble ne jamais manquer sa cible et être intouchable...
Mais sa route va croiser celle de Carnegie, qui règne sur une petite ville organisée autour d’un des derniers points d’eau. Son obsession est de mettre la main sur un livre bien particulier, une Bible, persuadé que les mots qu’elle contient lui offriront un moyen d’attirer et de contrôler une population de plus en plus importante.
Si La Route n’était pas sorti quelques semaines avant, on se serait sans doute esbaudis devant les décors du Livre d’Eli... alors on se contentera de vanter le casting (Denzel Washington et Gary Oldman) et les scènes d’action assez formidables de ce dernier. Bénéficiant d’une bande son redoutablement efficace, l’extrême violence de ces scènes offre un contraste saisissant avec le propos religieux du film !
On peut d’ailleurs se demander ce que vient faire la religion dans ce film. Tout ceux qui ont en eux un fond d’anti-américanisme - primaire ou pas - n’hésiteront pas à parler de propagande, voire de conservatisme. Et l’omniprésence des armes dans le film pourrait évoque une sorte de nostalgie du mode de vie de l’époque de la conquête de l’ouest...
A la différence de La Route où le thème religieux est traité en filigrane et de manière accessoire, il n’y a pas d’ambigüité dans le Livre d’Eli. Le fameux livre est bien une Bible et le personnage d’Eli est un croyant que certains pourraient qualifier de fanatique, puisqu’il n’hésite pas à tuer ceux qui s’opposent à sa mission (en situation de légitime défense, certes, mais quand même). Il a entendu et entend la voix de Dieu et est persuadé que celui-ci le protège dans sa mission. Il prie quotidiennement et prononce les bénédicités avant de manger...
Mais Eli n’est pas sympathique pour autant... Il renonce par exemple à venir en aide à une femme attaquée par une bande, qui se fait violer (et probablement assassiner) quasiment sous yeux, pour ne pas s’écarter de sa mission. Par ailleurs, on apprend au cours du film qu’à la fin de la guerre (faute de combattants, vraisemblablement), les survivants ont entrepris de brûler toutes les Bibles... ce qui suggère une guerre de religion. De plus, on voit bien que Carnegie considère la Bible comme un outil de pouvoir. S’il s’agissait véritablement de prosélytisme, on peut quand même penser que les réalisateurs aurait passé sous silence ces trois aspects de la religion !
On peut en fait considérer ici la Bible non pas en tant qu’élément central de la religion, mais davantage pour le rôle qu’elle a joué (comme tous les textes religieux) dans l’histoire de la civilisation. Ce que nous enseigne le Livre d’Eli, c’est que certains textes sont porteurs de valeurs et que ce sont ces valeurs qui permettent aux hommes de sortir de la barbarie pour entrer dans la civilisation. C’est très exactement le thème qui était évoqué dans Postman, un film qui dans sa construction est d’ailleurs très proche du Livre d’Eli (avec à la place de la religion, la communication).
La fin du film mérite une mention spéciale. Outre le fait qu’elle s’avère beaucoup moins prévisible qu’on pouvait l’imaginer, elle a le mérite de laisser la place à l’interprétation, de forcer le spectateur à réfléchir à sa signification et d’une certaine façon à prendre parti. En ce qui me concerne, j’ai cru remarquer que le fameux livre se retrouvait placé sur un simple rayonnage, au milieu des autres, sans autre forme de cérémonie. C’est une des raisons pour lequelles j’aurais tendance à laisser aux réalisateurs le bénéfice du doute quant à leurs intentions ...
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