Clichés et stéréotypes
Ca m’a frappé récemment, en écrivant les chroniques concernant Legend of The Seeker et La Révélation des Médicus : on retrouve encore et toujours, dans cette série et ce roman, des personnages déjà vus et revus un nombre incalculable de fois. Et si ce n’était que des cas isolés, ça irait encore... mais ça devient de plus en plus fréquent !
En fait, quand on prend le temps d’y réfléchir deux secondes, on s’aperçoit qu’il y a aujourd’hui trois grandes catégories de films et de romans particulièrement touchés par ce phénomène : l’horreur, l’heroic fantasy et - c’est nouveau - les films et romans pour la jeunesse.
On savait déjà depuis bien longtemps que dans les films d’horreur, les jeunes filles qui couchent finissent généralement mal... alors que celle qui reste pure parvient généralement à s’en sortir (après que le monstre de service ait massacré son petit ami, ceci expliquant peut être cela)... Et on sait aussi depuis le sketche de Jean-Marie Bigard que lorsqu’on est quatre, mieux vaut éviter de faire deux groupes de deux. Et que lorsqu’on n’est plus que deux, faire deux groupes de un équivaut à un suicide !
Même s’il y a eu plusieurs vagues, plusieurs générations de films d’horreur, il y a une constante : le public auquel ce genre est destiné.
S’adressant aux ados et jeunes adultes, il semble assez logique que le sexe y occupe une place importante. Et pour le reste, c’est comme pour les parcs d’attraction, il leur faut des émotions fortes... d’où une certaine surenchère dans le gore et l’apparition des "torture porn" ces dernières années. Mais tout cela se finit généralement bien, de manière tout à fait morale et on attend encore le film d’horreur dans lequel une armée de pucelles se feront tronçonner, la perverse nymphomane étant la seule à s’en sortir... Tiens, ce ne serait pas une bonne ligne directrice pour un scénario, ça ?
Pour ce qui concerne l’Heroic Fantasy, Tolkien a depuis longtemps déjà défini les règles du genre, que les autres auteurs se sont empressés de suivre, bien avant qu’on retrouve le genre sur grand ou petit écran !
Tout d’abord, le héros doit être très jeune et innocent, à tous points de vue et de préférence tout en bas de l’échelle sociale, généralement un fermier dans une campagne paumée...
Jusqu’au jour où il rencontre un puissant sorcier, le plus souvent vieux et farfelu, qui en sait long sur lui (mais mettra plusieurs volumes à lui révéler la vérité). A partir de là, le jeune fermier va devenir miraculeusement un redoutable guerrier, un puissant sorcier lui aussi et se lancer dans une quête qui va lui faire quitter son village et silonner tout le royaume àla recherche de quelque chose lui permettant de vaincre le redoutable tyran/ sorcier / dieu qui a décidé de transformer tous les habitants en esclaves à ses ordres... Et au cours de cette quête, le jeune héros et le sorcier vont rencontrer des gens hauts en couleurs qui vont rallier leur cause : un grand balèze, un petit fûté, une jolie voleuse, une insupportable aristocrate, une bestiole aux capacités magiques étonnantes ...
Rares sont les sagas (et les films encore plus) qui échappent à ces règles ! Un des rares auteurs ayant réussi à s’en affranchir est Robin Hobb, mais on a du mal à en trouver un(e) autre ! Ni les excellentes sagas de David Eddings et de Robert Jordan, pour ne citer que ceux-là, ne font exception (Eddings lui-même ayant rappelé ces règles dans Le Codex de Riva, dans lequel il explique la genèse de sa principale saga).
Et parmi les clichés les plus répandus et les plus à la mode ces derniers temps, il y a ceux qui concernent les films et romans pour la jeunesse, notamment ceux qui traitent de magie et de sorcellerie. Depuis Harry Potter, on ne ne compte plus les récits et les films dont le personnage principale est un enfant orphelin, semi-orphelin, de parents divorcés ou vivant, parfois pour d’obscures raisons chez leurs grands-parents, un oncle, une tante, quand ce n’est pas un étranger (Le Monde de Narnia, Les Chroniques de Spiderwick, Arthur et les Minimoys) ! Les jeunes héros ayant encore leurs deux parents et vivant avec eux sous le même toit se comptent sur les doigts de la main ! Peut être parce qu’ils ne pourraient sand oute pas faire le dixième de ce qu’ils font s’ils avaient leurs deux parents sur le dos pour les surveiller ! Harry Potter ? Orphelin. Oscar Pill ? Semi orphelin, comme Tara Duncan, comme Percy Jackson (son père étant en fait un Dieu qu’il ne rencontre pour la première fois qu’à l’approche de ses 18 ans)... Et Vous aurez remarqué au passage que lorsqu’il doit perdre un de ses deux parents, c’est généralement le père qui est désigné dans le rôle de la victime... bel exemple de discrimination sexiste ! Et vous aurez également constaté que parfois, le père disparu du jeune héros n’est lui-même pas toujours un héros. N’y aurait-il pas là une sorte de "syndrome Star Wars*" ?
Etonnant, quand même... Pour les romans et films pour la jeunesse, ça peut se comprendre. Si on remonte aux contes des frères Grimm et d’Andersen, on se rend compte que cela ne date pas d’aujourd’hui et qu’on a souvent réservé aux enfants les pires traitements avant d’en faire des faire des héros qui vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants... sans doute pour que ceux auxquels on les raconte se rendent compte de la chance qu’ils ont d’avoir des parents pour les leur raconter ! Et Disney étant passé par là, il ne faut pas s’étonner que le genre soit formaté à ce point...
Pour l’Heroic Fantasy, c’est différent, on peut se dire que le genre est relativement nouveau et n’est finalement pas encore arrivé à maturité. Peut-être faut-il déjà digérer l’héritage de Tolkien avant de passer à autre chose ? Et cela commence peut être, avec les romans de Robin Hobb...
Le plus étonnant en fin de compte, c’est le film d’horreur. Etonnant car la littérature fantastique foisonne d’auteurs et de textes de qualité et ce depuis longtemps... ce qui se voit finalement assez peu à l’écran, où on enchaîne actuellement les Saw, les Destination Finale et les remakes des films des années 70 et 80.
On peut donc légitimement lancer un appel aux scénaristes et aux réalisateurs (et aux producteurs et éditeurs qui signent les chèques) : par pitié, sortez nous de l’impasse dans laquelle ces genres sont aujourd’hui coincés et proposez nous enfin des films d’horreur innovants, de l’Heroic Fantasy un peu plus imprévisible et des oeuvres pour la jeunesse qui ne soient pas directement inspirés de Disney ou d’Harry Potter !
* Pour ce qui est des clichés, en dépit du respect, voire de l’adoration qu’on peut vouer au film de George Lucas, le premier Star Wars (c’est à dire l’épisode 4) mériterait un article à lui seul ! Mais on y reviendra ultérieurement ...
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