Strange Days
Il y a quelques années, Lenny Nero était un jeune et gentil flic de Los Angeles. Mais à l’approche de l’an 2000, après avoir été viré de la police, Lenny est devenu un petit trafiquant de clips, des enregistrements d’expériences réellement vécues, réalisés à partir d’un appareil appelé Squid directement sur le cerveau. Et Faith, la femme de sa vie, une ancienne prostituée devenue chanteuse, l’a quitté pour un riche producteur, ce dont il ne se remet pas. Mais sa vie va encore empirer lorsqu’il va recevoir un clip particulièrement monstrueux de la part de l’assassin d’une de ses amies...
Kathryn Bigelow est aujourd’hui LA réalisatrice en vogue, en passe de recevoir son troisième Oscar pour Zero Dark Thirty après ceux obtenus pour Démineurs. On comprend mieux pourquoi en voyant Strange Days. Certes, elle fait une nouvelle fois la preuve dans ce film, juste après Point Break, de sa virtuosité pour les scènes d’action... mais pas seulement.
Sur un scénario de son célèbre ex-mari, James Cameron, elle signe en effet avec Strange Days un film particulièrement réussi, à la fois thriller et film d’anticipation, avec des personnages particulièrement riches et pour une fois assez éloignés des clichés hollywoodiens habituels, servis par des acteurs exceptionnels.
Que ce soit Ralph Fienness dans ce rôle étonnant d’anti-héros non violent qui passe une bonne partie du film à prendre des coups, loser obsédé par l’idée de récupérer la sexy Faith... que ce soit une Angela Bassett au physique impressionnant qui se révèle être finalement le seul personnage à peu près "normal" du film... que ce soit Juliette Lewis dans ce rôle de "pétasse" sexy qui semble lui coller à la peau dans bon nombre de films mais qui permet de découvrir à quel point elle est aussi une chanteuse douée ... que ce soit Tom Sizemore dans le rôle du bon copain, Michael Wincott dans celui du productreur antipathique ou que ce soient Vincent d’Onofrio ou William Fichtner dans le rôle des deux flics racistes, tous jouent juste, sans en rajouter et sans jamais tomber dans les clichés.
Du coup, on y croit, on est dedans et on suit sans jamais s’ennuyer, en dépit d’une durée approchant les 2h30, cette histoire sordide où se mêlent sexe, perversion, addiction, meurtre, racisme, magouilles et politique, le tout dans une ambiance très particulière, crépusculaire, glauque et violente, entre émeutes raciales et festivités de passage à l’an 2000, le tout sur fond de musique punk rock et gangsta rap (avec un peu de Peter Gabriel et de Deep Forest aussi).
Voilà ce qui arrive lorsqu’un excellent scénario rencontre une réalisatrice de talent : un film inclassable, un peu polar noir, un peu cyberpunk, un peu hollywoodien aussi, quand même, avec sa fin heureuse et optimiste, mais aussi un peu engagé, que ce soit par sa description très critique d’une société décadente en cette fin de millénaire ou par sa dénonciation d’un racisme anti-noir toujours aussi présent aux Etats Unis... un cocktail pas ordinaire qui rend ce film finalement assez unique en son genre, même si les amateurs de SF regretteront un peu, sans doute, que la technologie "Squid" ne serve ici que de prétexte à l’histoire imaginée par James Cameron.
C’est peut être ce mélange des genres qui a perturbé le public, qui devait s’attendre à autre chose de la part d’un film davantage "vendu" sur les noms de James Cameron et de Kathryn Bigelow, deux spécialistes du cinéma d’action, que sur l’intelligence et la richesse de son scénario. Du coup, il a été boudé aussi bien par les amateurs d’action que par les amateurs d’anticipation ! Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Alors si vous n’avez jamais vu Strange Days...
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