Demain Les Chats
Bastet est une chatte particulière. Elle est persuadée d’avoir un talent spécial pour la télépathie et tente désespérément de communiquer avec toutes les créatures qu’elle croise et en particulier avec sa "servante" Nathalie, l’humaine qui l’héberge et la nourrit. Mais aucune communication ne semble possible et Bastet désespère... jusqu’au jour où elle fait la connaissance de Pythagore, un chat doté de connaissances extraordinaires trouvées sur internet grâce à un port USB connecté à son cerveau. Pythagore commence alors à lui raconter l’histoire des chats, et lui révèle que l’humanité va à sa perte...
Bernard Werber est un expert du récit animalier, c’est même ce qui l’a rendu célèbre en 1991 avec Les Fourmis, un roman assez exceptionnel dans son genre. Plus de 25 ans après, le voilà qui revient aux animaux, malheureusement avec beaucoup moins de bonheur...
Les recettes, pourtant, il les connaît. A commencer par des recherches documentaires qui lui permettent d’étayer son récit d’éléments historiques et scientifiques souvent passionnants. Pour ce qui concerne l’histoire, Demain Les Chats nous apporte quelques éléments sur l’histoire de ces petits félins à travers les âges... Mais tout cela reste assez superficiel. Quant à l’aspect scientifique, il est totalement absent du roman. C’est dommage car en creusant un peu le sujet, on peut penser qu’il aurait pu fournir à ses lecteurs et aux amoureux des chats des détails passionnants sur ces animaux qui sont aujourd’hui des stars d’internet.
Mais bien au contraire, Werber cède à la facilité en tombant dans les clichés les plus éculés (les humains seraient les "servants" des chats) et dans la facilité et l’invraisemblance avec son chat connecté à internet, voire dans le ridicule avec la scène d’amour entre Bastet et Pythagore. Tout le roman repose d’ailleurs sur les sentiments et les émotions humaines prêtées aux chats, ce qui ne repose sur aucune donnée scientifique sérieuse (ce qui n’était pas le cas avec Les Fourmis).
On pourrai s’amuser à recenser toutes les invraisemblances du roman et des propos de Bastet, qui en est la narratrice et dont le vocabulaire et les connaissances sur le monde des humains dépassent de très, très loin ce qu’on est en droit d’attendre de la part d’un chat... Mais ce serait presque trop facile !
En revanche, on peut s’attarder un peu sur la nouvelle obsession de Bernard Werber, celle du terrorisme. Heureusement, il s’avère un peu plus habile dans ce roman que dans les précédents et s’abstient de s’en prendre nommément à l’islam. Ouf ! Mais on a quand même bien compris qui il rend responsable dans son roman de l’effondrement de la civilisation... un effondremment traité, comme le reste, de manière très et trop légère, en quelques pages !
Les fans de SF n’auront pas manqué de remarquer la référence (voulue, à l’évidence) avec le roman / recueil de nouvelles Demain Les Chiens, de Clifford D. Simak. Mais le titre est la seule chose que les deux aient en commun. En trois cent pages, Werber nous raconte l’effondrement de la civilisation humaine (ou du moins de la société française, car on ne sait rien ou presque de ce qui se passe ailleurs) sur une période de quelques moi. Sans être plus long, Demain Les Chiens racontait l’histoire de l’humanité sur une période de plusieurs milliers d’années, en maniant des concepts sociologiques et philosophiques autrement plus complexes... et avec beaucoup plus de talent !
Bernard Werber nous a habitué depuis longtemps à des hauts et des bas, mais jamais encore il ne nous avait livré un véritable nanar. C’est chose faite, désormais. Et tout ça pourquoi ? Sans doute parce que tout ce qui concerne les chats se vend bien ! Espérons toutefois qu’il ne nous réserve pas une suite et qu’il saura se reprendre avec son prochain roman...