La Grande Guerre des Bleus et des Roses
Pacifica. C’est le nom de la panète sur laquelle se déroule le roman. Tout un programme ! Car au début, on a un peu l’impression que c’est le meilleur des mondes selon Spinrad... Mais ça ne vas pas durer, et le long fleuve tranquille qu’était la vie politique de cette démocratie quasi-parfaite va se transformer en une lutte mesquine pour le pouvoir, qui va opposer hommes et femmes !
Vision prémonitoire de notre avenir ? Pacifica est une planète qui abrite une démocratie qui s’appuie sur la libre circulation de l’information et la participation permanente des citoyens aux décisions politiques grâce à l’électronique (qui ne s’appelle pas internet, mais ça y ressemble)...
Comme pour mieux souligner l’harmonie qui règne sur Pacifica, le pouvoir est partagé entre la Présidente Carlotta Madigan et le ministre des Média Royce Lindblad qui n’est autre que ... son amant (comme quoi Spinrad avait largement anticipé sur Bill, Hilary, Nicolas et Carla) !
Hélas, il n’en va pas de même dans le reste de la civilisation humaine, et ce fragile équilibre va être rompu par l’aterrissage d’un vaisseau transcendental ... qui sera suivi de près d’un vaisseau femmocrate !
Les uns prônent la supériorité masculine, la science et la technologie ... alors que les autres défendent le matriarcat et l’arrêt de la course au progrès qui ne conduit qu’à la guerre.
Les deux vont retourner contre Pacifica et ses dirigeants la liberté de parole, d’opinion et de communication qui étaient jusqu’alors la force de ce modèle de démocratie moderne. Carlotta et Royce eux-mêmes vont se retrouver dans des camps opposés ... et une véritable guerre civile des sexes finit par menacer Pacifica ... à moins que leur amour et leur intelligence finissent par venir à bout des préjugés et des manipulations des média que Transcendantaux et Femmocrates vont mutltiplier ?
Dans ce roman remarquable, qui peut être lu au premier degré pour son humour, et au second degré pour les messages politiques qu’il véhicule, Spinrad reste fidèle à ses thèmes de prédilection : lutte pour le pouvoir, rôle des média, rôle du sexe aussi, avec toujours la même question, que l’on retrouve dans bon nombre de ses autres romans (et à laquelle il semble refuser de vouloir donner une réponse claire) : la fin justifie-t-elle les moyens ?
On est à certains moment à la limite de la caricature, tant les personnages transcendantaux et femmocrates semblent extrémistes, fanatiques et bornés... et Spinrad n’aime pas les extrémistes, quels qu’ils soient. Mais l’action se déroulant dans un futur et un lieu éloignés, la pillule passe plutôt bien ... et on se passionne à la fois pour l’avenir de ce couple plutôt naïf et sympathique, et de cette planète utopique, confrontée à deux systèmes extrêmes et opposés qu’on n’aurait vraiment pas envie de voir devenir une réalité dans notre monde réel !
Faut-il se prendre au sérieux pour écrire des romans politiquement engagés et ennuyeux ? La preuve que non ! L’humour est une arme redoutable, et Spinrad dans ce roman l’utilise avec une parfaite maîtrise. Peut être avait-il un petit compte à régler avec le féminisme, parfois un peu envahissant aux Etats Unis ... mais le véritable message est ailleurs. Et ce roman est une nouvelle illustration de la fragilité des démocraties, dont la principale force est également la principale faiblesse.
A méditer, à la lumière d’événements récents ...