La Cité Saturne
La Terre est devenue une zone protégée, interdite aux humains, qui habitent un immense et large anneau entourant la planète bleue. La série raconte la vie de Mitsu jeune adolescent de la classe populaire, qui entre dans le guilde des laveurs de vitres, comme son père, disparu dans un accident. Dans l’esprit du jeune garçon, il serait tombé sur Terre. Travaillant à l’extérieur de l’anneau, ils nettoient les immenses baies vitrées des appartements luxueux. L’anneau est en effet divisé en trois étages, inférieur, médian et supérieur. Petit à petit, Mitsu devient un laveur de vitres compétent. Et pourrait bien être le pilote de l’engin que prépare dans le secret un petit groupe pour atteindre la Terre…
N’attendez aucun récit palpitant, aucune audace graphique qui vous arrache les yeux, aucun personnage dévoré d‘ambition, romantiquement violent. Hisae Iwaoka nous raconte simplement la vie et l’évolution de quelques habitants de l’anneau, qui finalement reproduit fidèlement la société japonaise. Très juste du point de vue social et humain, cette auteur n’en néglige pas pour autant son sujet. L’anneau est souvent présent, presque obsédant visuellement. Tout comme le lecteur, les personnages se posent des questions sur la Terre, simple paysage fait de nuages, de mers et de côtes plus ou moins anonymes. L’envie d’y aller voir n’occupe pas l’esprit de chacun, une autre vie s’est installée en orbite basse. Même si l’anneau commence sérieusement à se dégrader dans sa structure, qu‘il faut entretenir sans grand moyens… Seul quelques personnes veulent aller sur Terre, se posent des questions sur le vrai sens de l’anneau.
C’est là je trouve la force de ce manga, l’exploration d’une société, qui même dans l’espace demeure la même, le Japon moderne. Paradoxalement, la vie des habitants est même moins empreinte de technologie que le japon d’aujourd’hui. L’existence y semble plus simple, dans un cadre où l‘espace est compté, tout comme sur l‘archipel nippon. La voiture est un luxe par exemple. D’un autre côté, il aurait été possible d’inventer d’autres types de sociétés, d’autres rapports entre les gens. C’est même ce que l’on peut attendre d’une œuvre de SF. Mais La cité Saturne se situe clairement comme une métaphore de la vie terrestre. Le récit ne se déroule pas dans les premiers temps de l’anneau, mais bien après. Les rapports sociaux de dominés à dominants ont repris le dessus, en supposant même qu’ils aient disparu un moment ; rapports complètement exprimés par l’architecture de l’anneau.
Au-delà de l’entrelacement des divers personnages, des relations de Mitsu avec ses collègues, jeunes et anciens, qu‘il serait trop long de raconter ici, la relation ambigüe entre laveur de vitres appartenant à l’élite du prolétariat de l’anneau et clients aisés est une partie importante du récit, vraiment constitutif de l’anneau. Logeant dans de gigantesques volumes, où vitent un enfant seul, une ancienne prostituée, une vieille dame, de jeunes mariés, un inventeur, les occupants de la partie supérieure de l’anneau paient pour redonner de la lumière à leur lieu de vie. Parfois le gigantesque logement est agrémenté d’un aquarium avec le dernier exemplaire d’un mammifère marin terrestre. Toujours il exprime un mode de vie, une solitude. Les laveurs de vitre, dont Mitsu, sont successivement des domestiques, des amis, des confidents, de vagues employés ou beaucoup plus. La cité Saturne invente ainsi les relations inexistantes dans la vie réelle entre laveur de carreaux de buildings et employés. L’espace alors diffère de la vie terrestre.
Si vous avez envie de lire un manga différent de Planètes, Albator ou Akira, empreint d’une douceur narrative attirante, alors plongez-vous dans la lecture de La cité Saturne d’Hisae Iwaoka. Aurons-nous le fin mot de l’histoire au tome six ? Mitsu parviendra-t-il à descendre sans encombre sur Terre ? Retrouvera-t-il son père ? Mystère…
Tome 6 pour juillet 2011 !
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