Final Cut (The Final Cut)

Dans un présent à peine différent de celui dans lequel nous vivons, de plus en plus de personnes portent un "implant Zoé" : un dispositif permettant d’enregistrer toute leur vie, vue par leurs propres yeux. Cela a donné naissance à un nouveau métier : à la mort d’une personne, son implant est confié à un monteur, qui est chargé de réaliser un film retraçant les moments les plus importants de la vie du disparu, pour sa famille. Alors qu’il travaille sur les mémoires de Charles Bannister, Alan Hakman, un des monteurs les plus réputés, découvre dans les images enregistrées par son implant que Louis, un jeune garçon qu’il croyait avoir tué accidentellement dans sa jeunesse est encore en vie...
Final Cut fait partie de ces films imaginés, écrit et réalisés par une seule et même personne qui, par la suite, n’a plus jamais rien fait ( du moins pour le cinéma), comme s’il avait tout donné à une oeuvre unique.
Et unique, Final Cut l’est à de nombreux égards. Rares sont en effet les films de SF sans effets spéciaux (surtout de nos jours). Rares sont les scénaristes qui font le choix de situer leur histoire dans un présent à peine différent de celui que nous connaissons. Et les rares sont les films dont le thème est aussi aride, voire anxiogène. Car la mort est sans arrêt présente dans Final Cut...
Dans la litérature SF, les implants mémoriels sont devenus au fil des ans un élément assez classique. Peter F. Hamilton, par exemple, en a fait dans sa saga du Commonwealth un élément assurant une quasi-immortalité à ses porteurs. Une idée qu’on retrouve, à quelques nuances près, chez de nombreux auteurs. L’idée de faire à la mort d’une personne une sorte de résumé de sa vie est en revanche beaucoup plus rare et le seul roman qui me vienne à l’esprit sur ce thème est la remarquable suite de La Stratégie Ender, La Voix Des morts d’Orson Scott Card (qui, comme le premier, remporta à la fois le prix Hugo et le prix Nebula !).
On peut imaginer qu’Omar Naim ait été influencé par ce roman publié en 1986... mais son scénario, lui, ne doit rien à personne, avec une complexité et une profondeur que Christopher Nolan (scénariste d’Inception) ne renierait sans doute pas. Car Naim essaie d’explorer tous les aspects, toutes les conséquences, sociales et autres, de l’existence de ces implants. Il y a évidemment des opposants à ce dispositif... il y a même des personnes qui en portent sans le savoir ! Et on s’interroge sur la moralité d’un montage ne retenant que ce que la famille a envie de voir sur son cher disparu, dont les éventuelles exactions, voire les éventuels crimes, sont soigneusement ignorées et effacées par le monteur...
Vous l’aurez compris, ce n’est pas pour ses scènes d’action (inexistantes) qu’il faut voir Final Cut. Ce n’est non plus pour ses acteurs, Mira Sorvino (Mimic), Jim Caviezel (Fréquence Interdite, Outlander, Le Prisonnier), ni même pour le génial Robin Williams, un peu à contre-emploi d’ailleurs dans le rôle de ce personnage principal un peu intraverti et effacé. C’est pour l’intelligence de son scénario, pour les surprises qu’il vous réserve (car on ne vous a pas tout dit), pour sa fin aussi abrupte que surprenante, pour l’ambiance qui se dégage du film.
Omar Naim n’est pas passé loin du chef d’oeuvre avec ce film qui n’a pas pourtant pas connu un grand succès et est même passé quasiment inaperçu en France (même s’il a remporté le prix du meilleur scénario au festival de Deauville). Cela tient à pas grand chose... Mais il faut dire que le réalisateur n’a pas choisi la facilité en allant quasiment à contre-courant de toutes les tendances du moment, au risque de déstabiliser le spectateur, qui ne retrouve pas dans Final Cut les codes traditionnels de la SF, tout comme les fans de Robin Williams ne retrouvent pas l’acteur facétieux et sensible qu’ils adorent !
Il y aurait beaucoup d’autres choses à écrire sur le film d’Omar Naim, pour commenter des détails tels que, par exemple, ces consoles informatiques de montage serties dans du bois, ou encore ces tatouages d’un genre particulier permettant de brouiller les implants, pour ceux qui ne souhaitent pas que leur vie soit enregistrée... mais si vous voulez vous faire une idée précise de ce qu’est Final Cut, le plus simple est sans doute de le voir !