Don’t Look Up : Déni Cosmique
Kate Dibiasky, étudiante en astronomie, découvre qu’un comète de 5 à 10 km de diamètre, va frapper la terre, détruisant toute forme de vie. Avec l’aide de son professeur le docteur Randall Mindy et du directeur du Bureau de Coordination de la Défense Planétaire, elle va tenter de convaincre la présidente des Etats Unis de prendre des mesures d’urgence. Malheureusement, les élections de mi-mandat approchent... Pire encore, les équipes de Bash Cellular, une entreprise de haute technologie dirigée par le milliardaire Peter Isherwell, découvrent que la comète est composée de ressources minérales rares et très précieuses. Le plan visant à détourner la comète de sa trajectoire est alors abandonné, au profit d’un autre plan, visant à la fragmenter afin que les débris puissent être récupérés sur Terre...
On a l’habitude, quand on est fan de SF, de voir des films qui illustrent les peurs de leur époque, ou qui alertent sur un danger menaçant nos vies. A une époque, c’était la guerre nucléaire. On a eu des films sur la surpopulation, sur les dangers des manipulations génétiques, et plus récemment sur le transhumanisme. Et bien entendu, de nombreux films ont mis l’accent sur différents aspects écologiques. Mais Don’t Look Up ne se contente pas d’illustrer, d’alerter ou de dénoncer. C’est un vrai coup de gueule, destiné à attirer l’attention sur ce que les auteurs considèrent comme un scandale : l’inaction des différents gouvernements mondiaux, celui des Etats Unis en tête, face au réchauffement de la planète.
Car oui, mais cela n’aura échappé à personne, le prétexte de la comète n’est qu’une métaphore du désastre qui nous attend (si on en croit certains experts) si nous ne faisons rien pour faire face au bouleversement climatique annoncé, et peut-être même déjà enclenché.
Le film fonctionne donc d’autant mieux qu’on est convaincu de la réalité du réchauffement climatique dont Greta et les autres nous rebattent les oreilles... Mais même sans cela, Don’t Look Up reste un formidable pamphlet contre la plupart des principales dérives de nos sociétés.
Bien évidemment, le système politique est le premier visé et Merryl Streep est excellente en Présidente des Etats Unis totalement cynique, obsédée par sa réélection et plus ou moins (mais plutôt moins) conseillée par un chef de cabinet qui n’est autre que son fils aussi stupide qu’incompétent.
Les médias en preinent eux aussi pour leurs grades, avec des présentateurs et animateurs affichant en toutes circonstances un sourire et une bonne humeur horripilants et apparaissant comme totalement décalés, pour ne pas dire totalement stupides, s’agissant de la fin du monde et préférant privilégier l’info "people" la plus superficielle à la véritable information.
Les réseaux sociaux ne sont pas épargnés non plus ! Manipulés par quelques experts de la Maison Blanche, les internautes et autres followers (qui méritent bien leur nom...) ne tardent pas à tourner en dérision les lanceurs d’alerte qui passent au mieux pour de doux dingues et, au pire, pour de dangereux complotistes.
Le personnage de Peter Isherwell, sorte de mélange de Steve Jobs, Bill Gates et Elon Musk, nous montre un milliardaire, patron de l’équivalent d’une GAFAM, totalement déconnecté de la réalité, dénué lui aussi de toute empathie et vivant dans un univers de "big data" tourné uniquement vers le profit, sous des discours bien rodés de bisounours, disant à chacun ce qu’il a envie d’entendre avec des paroles creuses accompagnées d’un sourire extatique...
Et même les scientifiques sont égratignés, notamment au travers du personnage principal, incarné par un Leonardo Di Caprio toujours excellent, presque méconnaissable dans ce rôle de geek réservé et introverti, aux costumes étriqués, qui peu à peu prend goût à la lumière des projecteurs et gagne en assurance, allant presque jusqu’à oublier la vérité scientifique pour collaborer avec le pouvoir.
Meryl Streel et Di Caprio ont déjà été mentionnés, mais le reste du casting est tout aussi prestigieux avec Jennifer Lawrence dans le rôle de l’étudiante qui découvre la comète (qui portera d’ailleurs son nom), Cate Blanchett en animatrice de télévision qui aura une aventure avec le personnage du scientifique incarné par Di Caprio, Timothy Chalamet (le héros du Dune de Denis Villeneuve) en petit ami de Jennifer Lawrence, Ariana Grande dans un rôle de star de la chanson en couple avec un célèbre DJ, Himesh Patel (le héros de l’excellent Yesterday)... sans oublier Ron Perlman, Michael Chiklis, Tomer Sisley et même Chris Evans !
Sur la forme, cette production Netflix au budget digne d’un blockbuster présente une certaine modernité, et surtout une véritable irrévérence. Même si le film milite de manière très politiquement correcte pour une cause très "mainstream" (celle du réchauddement climatique), il dénonce de manière réellement féroce bon nombre des travers de la société d’aujourd’hui... et cette dénonciation est presque plus importante que la cause qui est défendue ! Car la manière dont le film démonte les différentes manières dont nous pouvons être manipulés ainsi que les mécanismes à l’oeuvre dans ces manipulations, s’avère redoutablement subversive... John Carpenter n’aurait pas fait mieux !
Il serait donc totalement vain de comparer Dont’t Look Up à un autre film catastrophe, du genre Armageddon ou Deep Impact, qui ne tirent pas du tout dans la même catégorie.
Et sur le fond, on ne peut que saluer l’intelligence du scénario qui nous met en garde vis à vis du réchauffement climatique sans jamais, ni en parler ni même y faire allusion, et sans jamais donner de leçon, si ce n’est de manière détournée et décalée, par le biais de l’humour. Chapeau !