Megalex 1, 2 & 3 (L’Anomalie – L’Ange Bossu - Le Coeur de kavatah)
Megalex est une ville-planète, à l’image de Trantor dans les œuvres d’Isaac Asimov ou de Coruscant dans la saga Star Wars. Le béton, l’asphalte, l’acier ont tout envahi. Tout ? Non, car deux endroits sur la planète résistent encore et toujours à l’envahisseur ! Il s’agit d’un océan et d’une immense forêt (qui n’est pas sans rappeler l’amazonie), peuplés de résistants à l’autorité de Megalex, appelés les Objecteurs. Ils vivent dans la forêt, sous la ville... et harcèlent Megalex de leurs attaques terroristes. Sans parler des étranges créatures venues apparemment de l’espace qui, elles aussi, menacent régulièrement l’ordre établi ....
La vie sur Megalex (en latin "grande loi") n’est pas des plus joyeuses... surtout pour le peuple, composé majoritairement de clones, parfaitement calibrés et programmés pour leur fonction. Car l’efficacité, la productivité, la rigueur sont poussés à l’extrême sur Megalex, afin d’optimiser le développement industriel, pour le plus grand profit de la caste dirigeante. Ces clones possèdent, ans doute pour éviter tout risque de rebellion, une durée de vie très limitée : 400 jours, par exemple, pour les policiers. Alors que la Reine Maréa, elle, bénéficie d’une durée de vie de 4000 ans ...
Mais la Matrice, qui sert à la fabrication des clones, a parfois des ratés, des "bugs" ... C’est le cas d’un policier, une Anomalie (d’où le titre du premier volume) qui va rejoindre les Objecteurs. La guerre entre les deux factions ne va pas tarder à éclater ...
Je ne sais pas si c’est à cause du titre… ou à cause du début de la BD avec ce massacre mécanique et inhumain d’une armée de clones… mais j’ai eu du mal, du moins au démarrage, à ne pas faire le rapprochement avec la série TV Lexx ! Car on se retrouve ici dans un univers du même genre, aussi cruel qu’absurde, notamment avec le début du récit qui nous montre le massacre « industrialisé » d’une petite armée de clones. Mais il ne s’agissait que d’une première impression. Car rapidement, la saga de Jodorowsky et Beltran prend son envol pour nous proposer un univers fascinant et plutôt original…
Il faut dire qu’Alexandre Jodorowsky n’est pas le premier scénariste venu, pour ce qui concerne la BD de SF, puisqu’on lui doit notamment la série de l’Incal ’et son fameux héros John Difool) avec Moebius, ainsi que celles des Technopères et celle des Métabarons (avec Fred Beltran comme coloriste).
Quant à Fred Beltran, il utilise ici une technique très particulière utilisant le dessin traditionnel et la "3D" numérique. Mais un dessin, qu’il soit réalisé à la main ou à la souris ou sur tablette graphique, reste un dessin. Et on sent bien, en dépit de la perfection inhérente aux images de synthèse (les femmes ont par exemple des seins très ronds ...), l’influence de dessinateurs tels que Bilal ou Moebius dans les dessins de Ted Beltram, qui sont parfois étonnants de réalisme (avec notamment l’utilisation de "textures" 3D.
Le résultat s’approche d’une sorte de perfection. Les images de Beltran s’inscrivent parfaitement dans l’univers glacé imaginé par Jodorowsky et le scénario, avec ses nombreux rebondissements, tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin du 3ème tome de la série. On se prend même à rêver qu’un réalisateur ait un jour la bonne idée de porter cette BD, dont les thèmes sont très actuels (déshumanisation de la société, accroissement des inégalités, écologie), à l’écran !