The Island
Un scénario à base de société futuriste totalitaire, de questions d’éthique, qui rappelle certains des plus grands chefs d’oeuvre de la SF, tels que 1984 (le roman), THX 1138, L’Age de Cristal ou plus récemment Bienvenue à Gattaca... Pas du tout le genre de terrain sur lequel, a priori, on attend Michael Bay. Pourtant, en dépit de quelques défauts et excès (chassez le naturel, il revient au galop...) The Island est une vraie réussite.
Lincoln 6 Echo et Jordan 2 Delta vivent dans un monde en vase clos, en compagnie de quelques centaines, peut être quelques milliers d’autres. Et pour cause, l’extérieur est contaminé et mortel. Seuls quelques survivants viennent parfois les rejoindre. Des règles de vie très stricte leurs sont imposés : toute proximité (entendez sexualité ...) est proscrite, une hygiène de vie impecable est exigée et chacun fait l’objet d’un suivi médical et psychologique très strict. Mais tous ont un même rêve, un même objectif : gagner à la loterie. Car il existe un endroit sur Terre qui n’est pas contaminé, une île paradisiaque que seuls quelques élus sont autorisés à rejoindre, en vue de repeupler la planète. Et un des moyens de faire partie de ces élus est de gagner à la loterie ...
Mais Lincoln 6 Echo fait de nombreux cauchemars, dans lesquels il voit des choses qui n’ont pas de sens. Et il se pose des questions. Pourquoi n’a-t-il pas le droit de manger du bacon au petit déjeuner ? Pourquoi y a-t-il une soirée Tofu tous les jeudi soirs ? Et qu’est ce que le tofu, d’ailleurs ? D’où viennent les objets sur les lesquels il travaille toute la journée ? Et où vont-ils ensuite ? Pourquoi tout le monde est-il habillé en blanc ? Une curiosité et un esprit critique qui dénotent bizarrement dans ce monde où chacun semble accepter sans discuter toutes les vérités qui lui sont imposées et exécuter tous les ordres qui lui sont donnés. Jusqu’au jour où un Lincoln va découvrir l’incroyable vérité ... grâce à un simple insecte !
Attention, c’est là que ceux qui veulent préserver le suspense doivent s’arrêter de lire !
Car il n’ y a aucune contamination à l’extérieur ! Nous sommes en 2019 et le complexe dans lequel vivent Lincoln, Jordan et les autres appartient à une société privée dont l’activité consiste à proposer à de riches clients des organes de remplacement... prélevés sur leurs propres clones ! Et les clients eux-mêmes ne se doutent de rien, persuadés que les clones sont maintenus dans un état végétatif, sans aucune conscience. Malheureusement, les organes ne peuvent être viables à long terme que s’ils sont prélevés sur un clone bien vivant (ce qui n’est sans doute pas une hypothèse idiote). D’où la vaste supercherie imaginée, entretenue par les faux souvenirs implantés dans la mémoire des clones dès leur "naissance". Une supercherie que Lincoln et Jordan vont tenter de révéler au grand jour ...
Le scénario est signé Alex Kurtzman (qui a travaillé sur les séries Alias et Fringe, ainsi que sur Star Trek 11) et c’est sans doute une des raisons expliquant son intelligence et son intérêt. Car au delà de la science fiction, The Island soulève un certain nombre de questions sur l’utilisation dans les années à venir de la génétique à des fins médicales. Jusqu’où peut-on aller pour prolonger la vie ? Quel prix est-on prêt à payer ? Quels seraient les droits d’un clone ? A qui appartiendrait-il, au laboratoire qui l’a créé ou à "l’original" dont il n’est que la copie ? On notera aussi des hypothèses scientifiques pas inintéressantes, comme celle de la mémoire génétique (les vrais souvenirs de Lincoln qui refont surface) ... et une critique, pas du tout voilée, des scientifiques qui jouent à se prendre pour Dieu. Bref, The Island tire intelligemment la sonnette d’alarme et si l’avenir que nous propose le film est certes peu probable, il fait sans aucun doute partie des avenirs possibles...
La réalisation est à la hauteur du scénario et pour une fois, Michael Bay n’en fait pas trop ! Le début du film, en particulier, est remarquable et les effets spéciaux, très présents, sont remarquablement sobres. L’ambiance blanche / bleutée évoquant un environnement stérile et froid convient parfaitement au thème du film. Au bout d’une heure, malheureusement, ça se gâte un peu,l’action spectaculaire prenant le pas sur l’intrigue... et on retrouve le Michael Bay que l’on ne connaît que trop bien, tentant par moments de rivaliser avec les scènes de poursuite mythiques de Matrix Reloaded et Terminator 3 ... Mais même si le film aurait probablement gagné en force en perdant une demi-heure, il faut avouer que ces scènes d’action passent plutôt bien dans The Island.
En plus, Michael Bay a réuni un casting excellent, avec Ewan (et non pas Obi Wan ...) McGregor, Scarlett Johansson (Arac Attack, The Spirit, Iron Man 2), Djimoun Hounsou (Fringe), Steve Buscemi (Los Angeles 2013, Armageddon, Spy Kids 2 et 3) et même (pour une courte apparition) Michael Clarke Duncan !
Si on voulait faire du mauvais esprit, on pourrait dire que Michael Bay aurait pu (dû ?) arrêter sa carrière après The Island... mais ce serait inutilement méchant. En revanche, on peut espérer qu’il reviendra un jour à ce genre de cinéma, dans lequel il se révèle un excellent réalisateur !
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Et comme d’hab’ avec Michael Bay, les amateurs d’hélicoptères ne seront pas déçus. A ce niveau là, c’est quasiment du fétichisme ...