Trop de blockbusters tue-t-il le blockbuster ?
Il n’y a sans doute qu’en France qu’on peut se poser ce genre de question. Ailleurs, on ne cherche pas à savoir combien a pu coûter un film, on n’accorde pas plus de valeur à un film indépendant, à un film d’auteur ou à un film au budget pharaonique : on se contente de compter le nombre d’entrées ! Mais même si on adhère à cette vision très mercantile du cinéma, le nombre de blockbusters sortis en 2013 interpelle, avec un côté merveilleux mais aussi un côté inquiétant...
Si on prend un critère simple, celui des productions d’un budget supérieur ou égal à 100 millions de dollars, on obtient le résultat suivant :
Pacific Rim : 200 millions de dollars
Lone Ranger : 215 millions de dollars
Hunger Games 2 : 130 millions de dollars
Bilbo 2 : 150 millions de dollars
Wolverine 2 : 100 millions de dollars
World War Z : 190 millions de dollars
La Stratégie Ender : 110 millions de dollars
Thor 2 : 170 millions de dollars
After Earth : 130 millions de dollars
Gravity : 100 millions de dollars
Man of Steel : 225 millions de dollars
GI Joe 2 : 130 millions de dollars
Jack Le Chasseur de Géants : 195 millions de dollars
Elysium : 100 millions de dollars
Oblivion : 120 millions de dollars
Cloud Atlas : 100 millions de dollars
Star Trek Into Darkness : 190 millions de dollars
Iron Man 3 : 200 millions de dollars
Le Monde Fantastique d’Oz : 215 millions de dollars
Au total, cela fait 2870 milions de dollars, ce qui est supérieur au PIB de la Somalie, du Burkina Faso ou même des Îles Caïman !
Il est loin, le temps où la sortie d’un Terminator ou d’un Matrix était un événement... Aujourd’hui, le sortie de La Stratégie Ender va à peine faire lever le sourcil de l’amateur de SF, coincé entre la sortie de Thor 2 et du Hobbit 2. Désormais c’est un blockbuster par mois, minimum, et même souvent 2.
La première question qu’on peut se poser, c’est celle de la place que cela laisse aux autres productions, par définition plus confidentielles (moins de salles, moins de promotion).
La seconde concerne les blockbusters eux-mêmes : n’y a-t-il pas un risque de lasser le spectateur, qui risque de devenir blasé ? Les producteurs hollywoodiens ne courent-ils pas à leur perte avec cette surenchère permanente aux millions de dollars ?
La troisième est celle de l’avenir du cinéma : la tendance actuelle va-t-elle se poursuivre et s’accentuer ? Aurons-nous dans les années à venir de plus en plus de films de plus en plus coûteux ?
Pour répondre à ces question, on peut déjà faire un premier constat, plutôt rassurant : le budget d’un film n’est en aucun cas la garantie d’un succès ! Disney l’avait déjà constaté avec le flop (d’ailleurs immérité) de John Carter... ça ne les a pas empêché de se planter en beauté une 2ème fois avec Lone Ranger ! Pacific Rim n’aura pas davantage fait illusion, Jack Le Chasseur De Géants sera passé plus ou moins inaperçu et World War Z n’aura pas franchement convaincu. On remarque aussi qu’un fil comme Snowpiercer aura trouvé son public grâce au bouche-à-oreille (pour les plus vieux) et au buzz (pour les plus jeunes), de même que Les Âmes Vagabondes, Looper ou Upside Down, aux budgets bien plus modestes.
On constate aussi que certaines valeurs sûres de ces dernières années maintiennent le système à flots : les films de super-héros (Iron Man 3, Thor 2, Man Of Steel) continuent de séduire le public, de même que les grands réalisateurs du genre, qu’il s’agisse de Peter Jackson avec Le Hobbit 2 ou de J.J. Abrams avec Star Trek Into Darkness.
Mais la bonne surprise vient surtout des "petits" blockbusters : Cloud Atlas des Wachowski, Oblivion, Elysium du très prometteur Neil Bloemkamp, After Earth de Shyamalan, La Stratégie Ender, Gravity... tous ces films ont apporté la preuve, chacun à sa façon, qu’on peut à la fois mettre beaucoup d’effets spciaux et beaucoup d’intelligence, rester très "grand public" et faire passer des messages.
Et si la profusion des blockbusters rendait le public plus exigeant ? A force de voir des effets spéciaux toujours plus nombreux, toujours plus impressionnants et spectaculaires, toujours plus réalistes, le spectateur ne s’y laisse plus prendre. Il aime toujours voir des armadas de vaisseaux s’affronter dans l’espace, voir Thor et Iron Man voler au secours de leurs chéries respectives pour affronter leurs ennemis... mais il es peut-être aujourd’hui davantage capable de prendre du recul pour s’intéresser aux scénarios, aux idées, au jeu des acteurs !
Par ailleurs, il y aura une limite évidente à tout cela : le budget des spectateurs eux-mêmes ! Hollywood peut toujours produire toujours plus de blockbusters, ce n’est pas pour autant que les spectateurs pourront aller davantagec au cinéma, surtout en période de crise...
Et puis... vous avez remarqué ? Quand on parle de blockbusters, on parle toujours de films de SF. Logique, puisque ce sont les plus coûteux à produire. En effet, rares sont les films, en dehors de la SF, à atteindre de tels niveaux de budget... d’où la conclusion de cette petite réflexion : ce ne sont pas les blockbusters qui ont le vent en poupe, mais simplement les films de SF ! Il n’y en a jamais eu autant, c’est une évidence, c’est une tendance lourde du cinéma depuis maintenant plus de 20 ans. Comme tous les cycles, celui-ci aura une fin. Mais tant que la SF aurant autant de succès, on aura beaucoup, beaucoup de blockbusters ! Pour le meilleur et pour le pire...
Commentaires (fermé)