La SF et les effets spéciaux
Si l’on en croit certains mauvais esprits, la SF se résumerait à ses effets spéciaux, principalement destinés à cacher la misère de scénarios lamentablement hollywoodiens, destinés à des adolescents attardés. Il est vrai que bon nombre de films de SF de qualité médiocre ont accrédité cette idée pendant de nombreuses années et il a fallu longtemps pour que le cinéma de SF finisse par gagner ses lettres de noblesse... avec ou sans effets spéciaux.
Dans l’esprit du grand public, la Science Fiction et effets spéciaux sont étroitement liés et même indissociables. Il faut dire que l’association ne date pas d’hier ... Dès les débuts du cinéma, les premiers réalisateurs se sont mis à explorer les différentes possibilités offertes par le "cinématographe" et ont inventé les premiers effets spéciaux, qui ont accompagné les premiers films de SF, tels que Le Voyage Dans la Lune en 1902, puis Metropolis et King Kong dans les années 30, pour ne citer que les plus célèbres...
Et des années 50 jusqu’à nos jours, les réalisateurs de films de SF ont continué dans la surenchère. Parmi les plus réussis de cette époque, on peut notamment citer Les Survivants de L’infini, La Guerre des Mondes et Planète Interdite.
A la fin des années 60, on franchit un nouveau cap avec les remarquables maquillages de La Planète des Singes et surtout avec 2001, ses décors et ses scènes se déroulant dans l’espace.
Mais on entre véritablement dans la période des effets spéciaux modernes dans les années 70, avec évidemment Star Wars et Alien (dans des styles très différents), mais aussi Superman (pour la première fois, un humain vole de manière crédible sur grand écran !).
L’étape suivante sera numérique. A partir de Jurassic Park, les acteurs doivent commencer à apprendre à évoluer devant des écrans bleus (ou verts)... Parallèlement, les films d’animation (utilisant massivement ce qu’on appelait auparavant les images de synthèse) se multiplient après le succès initial de Toy Story. Peu à peu, l’écart se réduit entre le film d’animation et le cinéma traditionnel, un réalisateur comme Zemeckis n’hésitant pas à faire appel à de véritables acteurs pour les "modéliser" et inclure leur double numérique dans un film d’animation (La Légende de Beowulf). Le film d’animation Final Fantasy, Les Créatures de l’Esprit est peut être encore plus "bluffant" avec une véritable actrice virtuelle incroyablement réaliste.
Ce sont ces effets spéciaux - toujours plus performants et dont le coût ne cesse de baissetr - qui permettent enfin à l’univers des super-héros Marvel de connaître le succès sur Grand écran, avec notamment les adaptations des X-Men et de Spiderman.
Et les spectateurs adhèrent et en redemandent. La SF connaît un succès sans précédent et la fin du siècle dernier et le début du siècle actuel sont marqués par de véritables monuments des effets spéciaux, avec notamment les deux trilogies Matrix et Le Seigneur des Anneaux.
Pourtant, 2010 marque une nouvelle évolution. Avec Avatar (en 3D ou pas), les effets spéciaux atteignent un niveau de perfection jamais vu. Et le succès est au rendez-vous, James Cameron dépassant son propre record au box office !
Pourtant, un certain nombre de films ont démontré à plusieurs reprises qu’on pouvait faire de la très bonne SF sans effets spéciaux ! Dans les années 50, L’invasion des Profanateurs de Sépultures n’en comportait aucun, de même que Le Village des Damnés. Plus récemment, ni Bienvenue à Gattaca ni LesFils de L’Homme ni Blindness ne nous proposaient d’effets spéciaux notables.
Sans aller jusque là, des films à tout petit budget ont souvent séduit les amateurs de SF (plus que le grand public, d’ailleurs). Le meilleur exemple en est probablement le fascinant Cube. Evidemment, en l’absence d’effets spectaculaires, le scénario doit être en béton, la réalisation intelligente et les acteurs inspirés... D’où, même chez certains amateurs de SF, une certaine méfiance vis à vis des effets spéciaux.
D’ailleurs, l’accueil relativement froid de la seconde trilogie Star Wars par les fans de la première heure attire l’attention sur le danger qui guète les adeptes du "tout numérique" : réaliser un film froid et sans âme, si on se contre sur les effets spéciaux en oubliant le scénario, les personnages et les acteurs... Et inversement, tous les fans de Star Trek ont encore en tête l’incroyable qualité de la série d’origine en dépit de ses décors de carton-pâte.
On voit bien que les exemples ne manquent pas, dans un sens comme dans l’autre, pour démontrer que les effets spéciaux sont indissociables de la SF... mais que la SF sait néanmoins se passer des effets spéciaux.
Et si, finalement, c’était un faux débat ? Après tout, se pose-t-on la question de savoir si un film d’amour doit comporter des scènes de sexe ? Si un film de guerre doit nous montrer des batailles ? Si un film comique doit nous proposer des gags ? Aujourd’hui, la 3D envahit et les écrans et déjà, on voit la différence entre une utilisation subtile de la 3D d’Avatar, utilisant la profondeur de champ pour magnifier les décors de la planète Pandora et l’utilisation primaire digne d’un parc d’attraction de Destination Finale 4... Et au début du siècle dernier, le cinéma parlant n’était-il pas un "effet spécial" par rapport au cinéma muet, de même que le cinéma en couleur par rapport au cinéma en noir et blanc ?
Et même en supposant qu’on ait atteint aujourd’hui le stade ultime des effets spéciaux, même si ceux-ci ne devaient plus évoluer pendant les 100 prochaines années, y aurait-il un risque de lassitude des spectateurs ? Ou plutôt, posons la question autrement : y a-t-il un risque de lassitude vis à vis des films sans effets spéciaux ? Dans les deux cas, évidemment et heureusement, la réponse est négative ! Et tant que les scénaristes, les réalisateurs et les acteurs auront du talent, il est probable qu’on continuera à apprécier les histoires qu’ils nous racontent, avec ou sans effets spéciaux...
Commentaires (fermé)